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PETITES CHRONIQUES DE CONFÉRENCIERS

JARDIN V- 1, 2, 3, Soleil ! - FIN

Connaissance & Partage

1, 2, 3, Soleil !

Pour cette dernière étape, je vous entraine dans 7 jardins – c’est un crève-cœur car il y en a tant que j’ai aimé, et que je laisse la France hors-jeu – sélectionnés selon le rythme de ce jeux d’enfance que je vous propose en titre :

1 jardin d’émotion, 2 jardins initiatiques, 3 jardins botaniques et un jardin « Soleil ! ».

UN JARDIN D’EMOTION :

SHUKKEI-EN A HIROSHIMA (2008)

Créé en 1620 pour la famille du daimyo Asano (seigneur féodal) d’Hiroshima, il est offert en pleine propriété par ses descendant en 1940 à la ville qui en fait un parc public. Inspiré du lac de l’ouest de Hangzhou – la référence absolue du jardin parc chinois, Shukkei-en (ce qui peut se traduire par "jardin à rétrécir les paysages") – il est totalement ravagé par le bombardement atomique du 6 août 1945. Seul un ginkgo biloba a survécu dans le parc. De nombreux habitants venus y chercher refuge, abandonnés dans la ville dévastée, vont y mourir de faim de soif, de leurs blessures et des radiations. Ils sont inhumés en ce lieu redevenu paisible, un modeste autel gardant mémoire de leur présence.

Restauré en partie, il est rouvert au public en 1951, mais la restauration n’a été achevée qu’en 1974. Aujourd’hui ses arbres ont repris une ampleur majestueuse. De l’allée d’entrée, un chemin mène à une maison de thé, élément structurant d’un jardin japonais. En arrière-plan, l'architecture végétale du jardin se dévoile, gravitant autour d'un magnifique étang qui fait la renommée du site. Presque toutes les vues du parc ont un point commun de focalisation mais sous des angles divers : le pont Koko-kyo, rescapé du bombardement, est devenu le symbole du lieu. Cette grande arche de granit divise l’étang principal en 2 bassins communicants qui abritent une dizaine d’ilots, avec bien sûr ile tortue et ile grue. Au fond du parc se cache le jardin d’herbes médicinales, Yakuso-en, encadré de bambous. Tout au long du parcours des lanternes de pierres scandent les diverses étapes jusqu’à l’autel mémorial des morts d’Hiroshima.

DEUX JARDINS INITIATIQUES :

JARDIN DE LA VILLA BARBARIGO A VALSANZIBIO (2014)

La villa rurale de la riche famille aristocratique des Barbarigo, est transformée dans la seconde moitié du 17e siècle en résidence de prestige par Grégorio Barbarigo qui débute une carrière de diplomate avant d’être nommé cardinal en 1660 par le pape Alexandre VII (depuis 1960, c’est un saint, canonisé par Jean XXIII). Ayant à cœur d'appliquer dans son diocèse les mesures érigées par le Concile de Trente, il fonde de nombreuses œuvres de bienfaisance, dont les Écoles de la doctrine chrétienne et institue au séminaire qu’il a créé des cours d'hébreu, de grec, d'araméen, afin de mieux comprendre la philosophie des églises orientales, car il ne se résout pas au schisme du 11e siècle. Son souci de culture lui fait élaborer le jardin, pour approcher la villa, comme une allégorie du progrès de l'homme vers sa propre perfectibilité et son salut.

Le jardin est organisé selon un plan orthogonal strict. Le portail d’entrée ouvre sur le grand axe est-ouest dont la vue se perd sur la colline à l’horizon. La villa est invisible car elle se trouve à l’extrémité nord du second grand axe nord-sud qui tranche le vallon dans lequel se développe le jardin. L’accès au jardin se fait par un vaste portail baroque dominé par la statue de Diane. Il se dresse au dessus d’un bassin extérieur au jardin qui est le reste du canal qui reliait Venise à la villa. Car au 17e siècle, elle était accessible par bateau, le bassin étant orné, pour mémoire, des mêmes poteaux que ceux utilisés dans la ville pour amarrer les gondoles.

Ce grand axe auquel on accède est dédié au thème de l’eau, captée en amont au pied du versant de la montagne et qui s’écoule en bassins successifs jusqu’au grand quadrilatère du bassin aux poissons, juste en arrière du portail. Cet axe placé sous l’égide de Diane et des dieux païens de la mythologie, dont les statues agrémentent les différents bassins est celui de l’Erreur, des errements de la religion antique. Si on le remonte jusqu’à son origine, au delà du bassin de captage rectangulaire mais aux rives enherbées, l’homme se perd dans la nature sauvage et obscure de la forêt qui drape le versant de la colline.

Mais à l’intersection des 2 axes, un signal fort se révèle au chrétien en quête de salut. Ce carrefour est le lieu d’une fontaine octogonale élevée sur 3 degrés (la Trinité) et si le visiteur tourne son regard sur sa droite il aperçoit la villa. Cette forme octogonale de la fontaine est celle adoptée depuis le concile du Latran (5e siècle) pour les baptistères et popularisée ensuite dans les enluminures médiévales pour les fontaines de vie, les bains de jouvence assimilés à la résurrection des corps. Le message est donc de changer d’axe pour accéder au salut. Mais dans quel sens partir ?

En bifurquant vers la gauche on atteint un labyrinthe. D’étroites allées bordées de hautes haies de buis fermant toute vue permettent, au terme d’un périple de 1,5 km et de multiples allers-retours dans des impasses, d’atteindre la butte centrale surélevée où le pécheur retrouve la vue et peut à nouveau s’orienter vers son salut. De part et d’autres du labyrinthe, deux jardins sauvages évoquent aussi l’érémitisme et la solitude monacale comme voie possible du salut.

Mais pour le plus grand nombre la voie du salut c’est d’emprunter le grand axe qui conduit à la villa - une demeure de cardinal tout de même ! - à partir du bassin baptistère qui sanctifie l’approche. Mais à condition de ne pas se perdre en route. De part et d’autre de cet axe, deux jardins clos rappellent à ceux qui seraient encore tenté de s’écarter du droit chemin les contraintes de la vie terrestre. Celui de gauche évoque avec sa garenne et sa volière sur une ile l’enfermement qu’est la condition terrestre de l’homme. Dans celui de droite, une grande statue de Chonos s'appuie sur un sablier et malgré ses ailes déployées, il reste cloué au sol. Son visage se détourne nettement des dieux païens et s’oriente vers la villa, espérance du Paradis. Seul un élan spirituel peut lui permettre d’atteindre le but, image de l’homme englué dans les contraintes de son enveloppe matérielle.

En revenant sur le droit chemin une nouvelle fontaine hexagonale nous confirme sur la voie du salut. Une halte sur les bancs déclenche une fontaine qui nous baptise de ses jets. Nous voilà prêts pour y accéder au but. Ne restent que quelques marches à franchir. Sur les contremarches un sonnet est gravé délivrant le message final, dont je ne retiens que la conclusion « L'enfer est tout là-bas, ici le Paradis » Le terre-plein devant la maison représente donc l'étape ultime du parcours de l'homme en quête de salut. Il est occupé par un bassin ceinturé de roses blanches, seules fleurs du jardin, qui renvoient à une image de pureté et à la promesse du paradis qui s’ouvre au-delà de la villa dans la trouée ascendante sur le versant de la montagne, jalonnée par d’immenses cyprès.

La maison reste un domicile privé qui ne se visite pas. Elle a connu des extensions par des ailes latérales précédées d’une large allée est-ouest structurée par des topiaires. Avec ses 16 fontaines d’origine toutes en état de fonctionnement et ses 70 statues légendées, ce jardin a récemment reçu le prix international de "Plus beau jardin d'Europe".

JARDIN DE LA QUINTA DA REGALEIRA A SINTRA (2006)

A la fin du 19e siècle, c’est encore une vieille ferme au cœur d’un vaste domaine agricole occupant tout un flanc de colline dominant le vieux centre de Sintra. L’ensemble est racheté en 1892 par Carvalho Monteiro qui se lance alors dans la construction du palais et des jardins que l’on visite aujourd’hui. Né au Brésil, héritier d'une grande fortune familiale, constituée dans ce pays grâce au commerce du café et des pierres précieuses, il s’installe définitivement au Portugal en 1876 où il a obtenu son diplôme de docteur en droit. Philanthrope passionné d’entomologie, collectionneur d'art, bibliophile, il est aussi féru d'opéra. Pour construire son palais qu’il veut de style manuélin – un gothique flamboyant tardif évocateur de la splendeur du Portugal de la fin du 15e siècle – il fait appel à l’architecte Manini dont l’essentiel de la carrière s’est déroulé comme scénographe au Teatro La Scalla puis à São Carlos et dans les principaux théâtres portugais. L’objectif fixé à Manini est d’en faire un manoir philosophique où vont s’entremêler diverses traditions occultistes – francs maçonnerie, rose croix, templière, alchimiste – au cours d’un parcours de visite initiatique dans lequel on est en permanence confronté au dualisme : vie/mort, lumière/ténèbres, aérien/souterrain, parfait/imparfaait etc. Mais aussi évocateur des grands classiques de la littérature : la Divine comédie de Dante, les Lusiades de Camoens et le Songe de Poliphile de Colonna, si influent notamment en architecture et dans l'art des jardins.

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Le parcours se déroule au sein d’une forêt aux essences très variées, mêlant plantes exotiques, surtout brésiliennes, et espèces locales, ordonnée et bien rangée dans la partie inférieure du domaine mais devenant plus touffue et plus sauvage jusqu'au sommet du versant, où souvent persiste une brume humide qui participe aussi au mystère du domaine tout en favorisant la présence d’épiphytes.

Carvalho Monteiro a voulu retrouver dans son jardin l’ambiance végétale rencontrée dans sa jeunesse brésilienne et manifester ainsi au sein du domaine la présence de l’empire portugais au moment où celui-ci se décompose : proclamation de la République au Brésil en 1889 et en 1910 au Portugal (année de l’achèvement des travaux du domaine), ce qui vaut à Carvalho Monteiro, monarchiste convaincu, quelque mois de prison peu après cette proclamation.

L’itinéraire initiatique débute par l’église où se côtoient les symboles catholiques, templiers et francs-maçons, où le Delta lumineux de l’œil de Dieu surmonte « un portail flanqué de sculptures ressemblant à des démons pétrifiés ». Longeant diverses fabriques toutes baignées des mêmes symboles dans le style architectural manuélin, on parvient au pivot de l’initiation : le puits inspiré de la Divine Comédie de Dante.

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Profond de 27m, on y descend par un escalier en spirale bordé d’une superbe colonnade, organisé en 9 paliers, qui se termine sur un sol de marbre où s’inscrit une rose des vents centrée sur une croix templière. Du fond du puits, une galerie souterraine s’amorce qui se subdivise en plusieurs branches menant à d’autres orifices (l'Entrée des gardiens, le lac de Cascata et le Puits imparfait) discrètement cachés au long de l’itinéraire dans le parc. La sortie la plus rapide s’effectue au niveau d’un petit bassin que l’on traverse par un pas japonais pour regagner la terre ferme et la lumière du jour. On parcours ainsi un cycle de la vie : descente sous terre comme une mise au tombeau, parcours de l’âme dans le dédale souterrain que Carvalho Monteiro avait lui même nommée "La Cathédrale" et renaissance dans une matrice humide qui vous expulse vers le jour comme lors de l’accouchement. Mais on peut aussi faire l’itinéraire inverse : en empruntant une des entrées des galeries souterraines, on parvient au fond du puits pour en ressortir en remontant l’escalier en spirale : après avoir errer dans les ténèbres de l’ignorance, l’esprit accède à la lumière et à la connaissance par l’effort. Le point d’orgue de l’initiation s’achève par l’ascension de la Tour parfaite qui, en double inversé du puits, vous fait accéder à la dimension céleste de l’âme. Chaque étape du parcours dans le parc (banc, pont, ziggourat, rocaille, etc.) est à déchiffrer comme moment de la Révélation dans l’initiation.

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Au terme du parcours, pour quitter le jardin on emprunte une allée bordée de 9 statues, renvoyant à la mythologie gréco-latine mais qui ne sont pas choisie au hasard. On croise ainsi Fortune (évocation du destin avec toutes ses inconnues), Orphée (initiateur des cultes à mystère et revenu des Enfers grâce à la puissance de sa musique et de son chant), puis deux paires divines exprimant des complémentarités : Vénus (déesse de l’amour, de la séduction, de la beauté féminine) et Flore (déesse des floraisons, assurant dans le monde végétal le même rôle que celui de Vénus pour les humains), Cérès (déesse de l'agriculture, des moissons et de la fertilité) et Pan (protecteur des bergers et du croit des troupeaux). La séquence s’achève avec Dionysos (dieu du vin et de ses excès, le vin étant considéré à l’origine comme une des formes du feu), Hermès (messager des dieux mais aussi celui qui conduit les morts vers les Enfers – par extension protecteur des voyageurs) et Vulcain (dieu du feu, des volcans, de la forge, pivot de toute opération alchimique)

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Mais si vous ne parvenez pas à décrypter tous les signes semés au fil du parcours, pas de panique : laissez vous emporter par la beauté du jardin, parfaitement entretenu. Après être passé en plusieurs mains privées, le domaine est depuis 1997 propriété de la ville de Sintra et ouvert au public.

TROIS JARDINS BOTANIQUES :

SITIO BURLE MARX A BARRA GUARATIBA, RIO DE JANEIRO (2007)

Roberto Burle Marx (1909-1994) est un des plus célèbre architecte paysagiste du 20e siècle. Ses premières inspirations paysagères lui viennent en 1928-29 alors qu'il étudie la peinture en Allemagne : il fréquente assidument le jardin botanique de Berlin Dahlen [SPLENDIDE ! UNE VISITE A NE PAS MANQUER SI VOUS ALLEZ A BERLIN] et rentré au Brésil se passionne pour la flore locale, négligée au profit d’espèces européennes dans l’aménagement des parcs et jardins du pays. A partir de 1932, il collabore assez régulièrement avec les architectes Costa et Niemeyer.

En 1949 il achète le sitio et l’aménage pour y vivre, créant sa maison, son atelier, un pavillon de réception pour les amis et restaurant une vieille chapelle présente sur le site. Il façonne le jardin et le parc selon les principes directeurs qu’il a forgé dans ses créations : utilisation de la végétation tropicale endémique comme un élément structurel de la conception générale en exploitant les contrastes de tailles et couleurs des plantes ; rupture des motifs symétriques dans la conception des espaces ouverts en valorisant ce que suggère le relief naturel ; traitement coloré des chaussées et cheminements au sein du parc ; utilisation de formes libres en s'inspirant des caractéristiques de l'eau présente dans le jardin.

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Cultivant les formes de vagues, les courbes souples et légères, Burle Marx a harmonieusement associé son style nouveau avec sa connaissance des plantes tropicales et subtropicales Sur le site de 36 ha, il a acclimaté plus de 3500 espèces de plantes dont il a récupéré un certain nombre au fil de ses explorations dans la forêt brésilienne (plus de 30 plantes qu’il a identifiées portent son nom), forêt dont il fut jusqu’à son dernier souffle un défenseur acharné, dénonçant sans cesse les défrichements dans ce splendide héritage naturel.

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Ayant légué son domaine au gouvernement brésilien lors du retour à la démocratie dans son pays, après 20 ans de dictature militaire, il souhaitait préserver ainsi l'intégrité et l'intimité de sa demeure tout en permettant la création d'une école de paysagisme, de botanique et des arts en général sur le domaine. Il est géré depuis sa mort par l'Institut du patrimoine Historique et artistique National. Ouvert au public sur rendez-vous, on visite sa maison, où sont restées en place ses affaires personnelles, sa très belle collection de pièces précolombiennes, et son atelier qui conserves ses propres toiles et sculptures.

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Puis on peut déambuler dans les cours ombragées et parcourir le jardin pour un moment de paix, à l’écart de la folie urbaine de Rio de Janeiro, à 25 km de là.

JARDIN KANDAWGYI A PYIN OO LWIN, MYANMAR (2013)

Situé en altitude à plus de 1000 m, à 70 km à l’est de Mandalay, Pyin Oo Lwin (Maymyo durant la colonisation britannique de la Birmanie), est un ancien petit village shan très vite devenu une destination estivale prisée des colons britanniques pour échapper aux très fortes chaleurs de la plaine. De son rôle de station coloniale d’altitude la ville conserve un patrimoine architectural typiquement « british », mais désormais noyé par la croissance urbaine et l’immigration chinoise car Pyin Oo Lwin est une ville étape importante sur la route entre Mandalay et Dali en Chine.

Le jardin botanique y a été créé en 1915 autour d’un vaste lac sur 12 ha à l’initiative d’un colonel anglais, Alex Roger, assisté de Lady Wheeler-Cuffe, une botaniste amateur passionnée qui a travaillé 6 ans durant à l’organisation et la plantation selon les conseils des responsables des Jardins botaniques royaux de Kew en Angleterre. Les gros travaux ont été menés à bien grâce au travail forcé de prisonniers de guerre turcs de la Première Guerre mondiale. En 1924 il est reconnu par le gouvernement colonial comme réserve botanique. Considérablement agrandi pour couvrir alors 100 ha il est classé « zone protégée » en 1942. Le jardin prend son nom officiel actuel – Jardins botaniques nationaux Kandawgyi – en 2000 et sa surface est portée à 177 ha. Au centre du lac, sur une ile, une pagode flambant neuve rappelle que l’identité bamar (= birmane) passe par le bouddhisme Théravada, allégeance qui se manifeste partout et à tous propos dans le pays.

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Centre de recherche botanique réputé, le jardin est associé au Centre de Recherche en Sériciculture (plantation des muriers et récoltes - feuilles pour les vers à soie et écorce pour la fabrication de papier artisanal ; élevage des vers ; dévidage de la soie des cocons). Mais Pyin Oo Lwin est aussi devenu le principal centre floricole national. La ville produit des chrysanthèmes, des asters et des glaïeuls, vendus dans toute la Birmanie tout au long de l'année, les fleurs ayant un rôle très important dans la pratique du culte bouddhiste.

Le jardin se développe autour de pelouses soigneusement tondues sur lesquelles s’inscrivent des massifs floraux organisés pour faire contraster les couleurs et où quelques grands arbres sont mis en valeur. Il comporte une volière, et 3 musées : le musée des fossiles (fossiles d’animaux), le musée des bois pétrifiés (fossiles de plantes)en partie en plein air et le musée des papillons.

Tout autour de cette immense clairière de pelouses centrées sur le lac, une ceinture forestière est organisée de manière à évoquer plusieurs écosystèmes. On parcourt ainsi une forêt de pins, une zone de marécage, une forêt pluviale tropicale, un bois de bambous, un jardin de crotons. Globalement on y rencontre environ 350 espèces d'arbres, des dizaines d'espèces de bambous et de crotons. Une section de 16 ha constitue une réserve forestière naturelle accueillant plusieurs espèces animales sauvages menacées. Mais ce jardin est surtout célèbre pour son jardin d'orchidées, avec plus d'une centaines d'espèces que l’on peut rencontrer dans le pays.

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Géré par une société privée, il offre aussi des attractions pour les familles et depuis 2006, tous les ans au mois de décembre, un grand festival floral anime le jardin 2 semaines durant.

JARDIN VIERA Y CLAVIJO A TAFIRA, ILE DE LA GRANDE CANARIE (2005)

Ce jardin botanique de 27 ha. est le plus grand d’Espagne et un des plus beau que je connaisse, plus proche que les deux précédents si vous êtes tenté par une visite...

Son nom est un hommage au naturaliste canarien qui au 18e siècle avait envisagé la création d’un jardin botanique sur l’ile, mais sans parvenir à faire aboutir son projet. On doit ce jardin à un botaniste suédois, Eric Sventenius (forme latinisé de Svensson, son nom initial ; 1910-1973), qui après une visite des iles Canaries en 1931, devient rapidement un espagnol de cœur. Ses études sur la flore des iles, en grande partie endémique, le poussent au début des années 50 à reprendre le projet de Viera y Clavijo. Il retient pour son implantation le versant escarpé du ravin de Guiniguada, à peu près orienté nord-sud, à 7km de Las Palmas. Les travaux débutent en 1952 et le jardin est ouvert au public en 1959. Comme tout jardin botanique, il est couplé à un centre de recherche et doté de l'unique banque de graines des plantes endémiques des archipels macaronésiens (Canaries, Madère, Açores et Cap Vert).

Son organisation s’articule sur les 2 ensembles topographiques du jardin : la plaine, étroite, allongée au long du ravin et le versant très raide exposé à l’ouest.

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L’entrée dans le jardin par la plaine ouvre sur la place des palmiers dominée par le palmier canarien endémique que l’on rencontre sur toutes les iles de l’archipel. La zone centrale de la plaine est occupée par une strate herbacée où 7 rocailles symbolisent les iles et sont entourées des diverses espèces que l’on peut y rencontrer. Vers l’amont, on rencontre ensuite un jardin de succulentes avec plus de 2000 espèces représentées puis le jardin macaronésien qui fonctionne comme un conservatoire des plantes endémiques les plus menacées mais aussi comme un magnifique répertoire des plantes de grande valeur ornementale. A l’extrémité de cet axe, une palmeraie regroupe bon nombre des espèces présentes dans le monde. Tout au long de la plaine, plusieurs bassins apportent une touche de fraicheur et favorisent la faune.

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La zone de contact entre la plaine et le versant est essentiellement boisée. On rencontre ainsi de l’aval vers l’amont à partir du bâtiment consacré aux expositions, un massif forestier dense, sombre et humide, reconstitution de la laurisylve qui recouvrait l’essentiel des iles entre 300 m. et 1000 m. d’altitude, avant les défrichements de la colonisation européenne et l’introduction d’espèces étrangères entrées en concurrence avec les endémiques. Viennent ensuite une forêt de pins canariens et un beau massif de dragonniers. Une cascade alimente un bassin, domaine du jardin humide avec ses plantes d'eau.

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Le versant est un domaine sec dont la pente est entrecoupée de ressauts rocheux formant des terrasses naturelles. La végétation dominante y est buissonnante ou arbustive, parsemée de succulentes, devant composer avec un sol maigre ou inexistant sur la roche nue. Mais il en émerge des dragonniers, des oliviers sauvages et quelques rares “cèdres des Canaries”, implantés au sommet de la falaise près du restaurant du site.

Une visite de 4h n’est pas disproportionnée vu la richesse de ce jardin et des cheminements bien organisés qui permettent de le découvrir.

« SOLEIL ! » :

MASCARIN, JARDIN BOTANIQUE DE LA REUNION A SAINT-LEU (2012)

Mon coup de cœur pour terminer : il y a des fleurs et du volcan, alors…

L’ile de La Réunion, née d’un volcan toujours actif, n’a émergé qu’il y a 3 millions d’années. Mais culminant à plus de 3.000 m. au Piton des Neiges, elle offre une diversité de microclimats qui s’organisent grossièrement selon une double grille : l’opposition côte au vent et côte sous le vent et un étagement selon l’altitude. L’implantation végétale ne s’est donc faite que par des apports des vents et des courants marins et par l’installation d’une avifaune ensemençant les laves fraiches de leurs déjections et des graines apportées dans leurs plumes. Son isolement dans l’océan Indien a permis le développement d’un endémisme de la vie sur l’île qui est très élevé pour les plantes à fleurs mais aussi pour les insectes et les mollusques terrestres. Encore de nos jours, près de 50% de la flore indigène de la Réunion est constituée de plantes qui n’existent que là et dans les Mascareignes, malgré l’implantation humaine qui remonte à 4 siècles au plus. Une des fonctions du jardin botanique du Mascarin est de préserver ce qui subsiste de cette biodiversité originelle.

Mais l’implantation humaine a entrainé une modification profonde des paysages végétaux de l’ile et de la faune. Ainsi ce jardin est implanté sur 8 ha. de la vaste propriété agricole (660 ha. !) détenue par la famille d'Armand de Châteauvieux sur ce site depuis 1857. Elle produisait de la canne à sucre et du géranium rosat, dont l’huile essentielle joue un grand rôle en parfumerie. En jardinage, les oignons du domaine étaient réputés et les vergers assuraient une bonne production de pommes, fruit exotique pour cette ile. Les bâtiments de l'ancienne propriété, y compris son église de basalte, classé monument historiques sont aujourd'hui entièrement restaurés, ce qui permet de conjuguer la découverte du patrimoine naturel réunionnais avec l'histoire et les traditions culturelles locales. Le Conservatoire Botanique national du Mascarin est créé sous forme associative en1986 sous l’impulsion de botanistes, dont Thérésien Cadet (1937-1987), et d’élus, obtient l’agrément des Conservatoires Botaniques Nationaux en 1993, dès lors géré par le Conseil départemental de la Réunion.

Le jardin se compose de 8 sections, chacune offrant une mise en scène spécifique.

La collection dite «Réunion» présente ce que devait être la forêt semi-sèche aujourd’hui disparue qui bordait le littoral des bas de l’Ouest, il y a plus de 4 siècles. Cette section est celle qui compte plus d’espèces endémiques menacées de disparition.

La section des «Plantes lontan» propose un parcours chronologique qui retrace les principales étapes de l'évolution du paysage végétal de la Réunion, sous l'effet de la mise en place des cultures entrainant déforestation et extension des terres agricoles. On retrouve ainsi les moments de l’introduction du café, du tabac, des épices, de la canne à sucre et du géranium rosat. En appendice de cette section une collection de « Caféiers du monde » a été créée en partenariat avec l'IRD.

Le «Verger créole» occupe une succession de terrasses précisant l’origine des espèces fruitières introduites à La Réunion. Il nous présente une cinquantaine d’espèces fruitières, plus ou moins oubliées aujourd’hui ou au contraire à fort potentiel économique actuel.

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La collection des «Palmiers» fait la part belle aux endémiques de l’île, le latanier rouge et le palmiste Roussel. Mais elle présente aussi des espèces tropicales et subtropicales provenant de diverses régions du globe en mettant l’accent sur l’utilisation diversifiée que l’homme peut faire d’un même végétal mais aussi les risques que comporte cette exploitation.

La collection de «Succulentes» est installée sur un versant ensoleillé, sec et rocailleux. Elle illustre l’adaptation aux conditions extrêmes de sécheresse et d’aridité des nombreuses espèces de cactus, agaves, aloès, euphorbes et autres plantes grasses vivant dans des régions semi désertiques et désertiques. Sélection naturelle, adaptation ou convergence sont autant de phénomènes auxquels ces espèces ont eu à répondre.

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La section des «Orchidées et Fougères» met en valeur la biodiversité tant par les feuillages que par les fleurs de ces deux familles de plantes qui comptent plusieurs milliers d’espèces et qui partagent une forte capacité à se disperser. Elle est d’abord destinée à sensibiliser les visiteurs à la fragilité de la flore indigène locale, au delà de sa beauté.

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Enfin la «Ravine Bambous» offre un cheminement en partie aérien sur un système de passerelles donnant l’impression de parcourir une “cathédrale végétale” tant la densité et la tailles des bambous forment une nef ombreuse dans laquelle on circule.

La Réunion ?

Sans masques, sans distances, sans couvre-feu, sans limite de nombre ?

Alors oui, « SOLEIL ! »

Jean Barrot

JARDIN IV- JARDINS D’ORIENT

Connaissance & Partage


« On ira tous au paradis... »

(Dabadie – Polnareff ; vous l’avez peut-être chanté)

JARDINS D’ORIENT

Je reprends ce titre à une exposition de 2016 organisée par l’Institut du Monde arabe. Mais ce que je vais vous raconter déborde largement le monde arabe, pour englober un espace qui va du Maghreb à l’Inde moghole. Cet espace présente une caractéristique climatique commune : il s’agit d’un domaine qui s’échelonne du semi aride à l’aride. Ce qui implique deux réponses des sociétés humaines : un accès possible à l’eau et une pratique pastorale semi-nomade. L’oasis apparaît comme un idéal : offrant une ressource permanente en eau, il permet la sédentarité et l’agriculture.

Deux types emblématiques des jardins de cet espace nous laissent à peu près au même moment des traces archéologiques.

LE « PARADIS PERSAN »

LES RESSOURCES DE L’ARCHEOLOGIE

Dans le piémont des montagnes du nord de la Mésopotamie au 7e siècle avant notre ère, Sennacherib (704-681), roi néo-assyrien, évoque ainsi sa nouvelle résidence, le « Palais-sans-rival », et les jardins qui le bordent : « J’ai planté à ses côtés un jardin botanique, une réplique du mont Amanus, qui a toutes sortes de plantes aromatiques (et) d’arbres fruitiers (…) Pour rendre luxuriantes ces surfaces plantées, j’ai creusé avec des pics un canal droit à travers la montagne et la vallée, depuis la frontière de la ville de Kisiru jusqu’à la plaine de Ninive. J’y ai fait couler un flot inépuisable d’eau sur une distance d'un kilomètre et demi depuis la rivière Husur (et) j’ai fait jaillir (l’eau) dans ces jardins par les canaux d’alimentation. » Il précise ensuite comment, avec un mécanisme précurseur de la vis sans fin (“alamittu”), il remonte de l’eau pour irriguer les terrasses de son palais – un bas relief conservé au Bitish Museum en donne une image précieuse – “jardins suspendus” qu’un demi-millénaire plus tard, les Grecs placeront à Babylone, la mémoire de Ninive s’étant perdue.

Ninive : bas relief des jardins “suspendus” dans la frise conservée au British Museum.

Ninive : bas relief des jardins “suspendus” dans la frise conservée au British Museum.

Un siècle et demi plus tard, Cyrus le Grand (559-530) installant sa capitale à Parsagades y crée le jardin impérial qui va devenir le prototype du jardin dans tout le Moyen Orient antique et médiéval. Il n’en reste de nos jours que quelques traces archéologiques – des dalles d’allées, quelques fûts de colonnes et des segments de canaux – au milieu d’une plaine desséchée, encadrée de collines d’où descendaient à l’époque des eaux abondantes. Ce jardin fonctionne comme un sanctuaire mettant en scène le rôle cosmique de l’empereur : la luxuriance du jardin, parterres de fleurs et vergers, est gage de fertilité et de productivité de la terre dans l’Empire Achéménide. L’archéologie permet d’en reconstituer le dispositif en « chahar bagh » (“quatre jardins”) : c’est un vaste rectangle ceinturé d’un canal et découpé en 4 parties par un dispositif de canaux en croix selon les médianes. Le titre que s’attribue Cyrus est celui de « Maitre des 4 quartiers du monde ». Cet espace est bordé d’un palais et de pavillons largement ouverts sur le jardin : être à l’ombre, rester à l’air. La maitrise de l’eau, telle que les archéologues peuvent la reconstituer est impressionnante : l’eau s’écoule dans des canalisations rectilignes à très faible pente et tous les 14 m. environ, les canaux sont entrecoupés de bassins carrés 3 à 4 fois plus large et plus profonds. L’eau en sort par un léger rétrécissement du chenal qui, en accélérant le débit, génère un gargouillis, élément sonore, qui participe à la perfection du lieu. Ce jardin a laissé une trace dans la Bible : le jardin d’Eden dont émane 4 fleuves devient l’image du Paradis, terme directement transcrit du persan pairi-daéza : “jardin clôturé de murs.”

Parsagades : reste archéologique d’un bassin sur un des canaux exhumés.

Parsagades : reste archéologique d’un bassin sur un des canaux exhumés.

Les variations de taille et de pente sont bien visibles sur ce cliché.

DIFFUSION DU MODELE PERSAN

La conquête de la Perse par Alexandre le Grand fait perdre rapidement le sens sacré du lieu. Alexandre et ses successeurs transforment l'espace du jardin, qui était le monde intermédiaire gardé par les êtres hybrides des portes, dans lequel le souverain, ni homme, ni dieu mais héros, assurait la gestion de la dualité ciel-terre, en un espace clivé par le dualisme. Les Dieux (ou Dieu dans le monothéisme hébraïque) ont en héritage le jardin céleste du Paradis tandis que revient au roi ou à l’empereur le jardin de l'apothéose dont la splendeur manifeste son pouvoir. D'intercesseur, le roi devient divinité. Ce qui va se traduire par la suite dans les cérémonies d’ « apothéosis » hellénistiques et de « consecratio » romaines.

Ce modèle du jardin structuré par l’eau devient le jardin d'agrément admiré des Grecs, exploité par les Romains (Pompéi en livre de beaux exemples), car le sacré dispose de plus en plus fréquemment de ses lieux propres.

Pompéï : villa Tiburtinus (maison d’Octavius Quartius) L'habitation, de dimension modeste, jouit du jardin le plus vaste de Pompéi, récemment réaménagé avec l'installation des essences originelles. Au croisement des canaux sous pergolas, un nymphée …

Pompéï : villa Tiburtinus (maison d’Octavius Quartius) L'habitation, de dimension modeste, jouit du jardin le plus vaste de Pompéi, récemment réaménagé avec l'installation des essences originelles. Au croisement des canaux sous pergolas, un nymphée alimente le canal central du jardin en contrebas.

Le modèle du chahar bagh est entretenu par les dynasties post achéménides (Séleucides, Parthes, Sassanides), avant d'être récupéré par les empires de l'Islam, un millénaire plus tard.

EVOLUTION ET TYPOLOGIE DES JARDINS PERSANS

La construction de jardins prend de l'ampleur sous les Sassanides (224-651 EC). Le zoroastrisme devenant alors religion d'Etat, le sacré se concentre exclusivement dans les temples du Feu. Mais cette religion manifestant un souci aigüe de la nature, pousse la dynastie à instaurer les premières réglementations concernant le milieu naturel et les jardins. Le maintien formel d'un axe central et de quatre parties symétriques séparées par des canaux est la caractéristique la plus évidente des jardins de cette période, mais elle s'enrichit de la multiplication des fontaines et des vasques.

Pour l'Iran, c'est la dynastie Séfévide qui constitue l'âge d'or de la construction des jardins. Dès le début de la dynastie, la capitale, qui est alors Qazvin, est conçue comme un jardin-ville. Il n'en reste plus qu'un fantôme aujourd'hui dans la trame urbaine et quelques pavillons insérés dans le bâti. Mais lorsque Shâh Abbâs transfère la capitale à Ispahan il reprend ce modèle du jardin-ville. Le vaste rectangle de la place Naghsh e Jahân, a son axe qui se prolonge dans la rue Chahar Bagh, perpendiculaire à la rivière Zâyandeh Rud, axe qui se poursuit au delà de la rivière, traitée comme le canal central du jardin ville. Cette armature urbaine d’Ispahan reste encore parfaitement lisible malgré l'explosion urbaine du 20e siècle. Ce modèle se retrouve comme motif dans des tapis, enjolivé des éléments des jardins (eau, plantes, arbres, oiseaux plus ou moins stylisés), et devient un thème essentiel dans les miniatures persanes et les fresques des pavillons implantés dans les jardins..

Ce schéma subit des altérations à partir de la dynastie Qajar au 19e siècle. Confrontée à une ouverture sur l'Occident qui offre ses propres modèles de jardins, les jardins iraniens auront alors plus d'affinités avec les jardins à la française qu'avec les jardins à l'anglaise.

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Jardin de Mahan : situé sur le plateau central de l’Iran particulièrement aride ce jardin est une création du 19e siècle. L’aspect d’oasis est flagrant et l’irrigation des parties latérales du jardin consacrées à un verger (grenadiers, agrumes et vi…

Jardin de Mahan : situé sur le plateau central de l’Iran particulièrement aride ce jardin est une création du 19e siècle. L’aspect d’oasis est flagrant et l’irrigation des parties latérales du jardin consacrées à un verger (grenadiers, agrumes et vignes) se fait par des chenaux de terre bloqués temporairement par des pierres pour inonder les parcelle étagées successivement.

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Jardin de Mahan : l’axe central du jardin utilise la pente naturelle découpée en paliers de cascades. Le porche d’entrée est encadré de deux bassins. Celui de l’extérieur est circulaire et agrémenté d’un jet d’eau, celui de l’intérieur est rectangul…

Jardin de Mahan : l’axe central du jardin utilise la pente naturelle découpée en paliers de cascades. Le porche d’entrée est encadré de deux bassins. Celui de l’extérieur est circulaire et agrémenté d’un jet d’eau, celui de l’intérieur est rectangulaire. Son eau est siphonnée et alimente le bassin extérieur et les canaux du patio. Au départ de l’escalier d’eau, un vaste pavillon voûté et ouvert forme le salon de réception.

Si la maitrise de l'eau apparaît comme le fondement de la structure du jardin, il convient d'être aussi attentif à la lumière du soleil et à ses effets. A la latitude de l'Iran, l'ombre est essentielle au développement de la végétation florale et pour en faire un espace de loisirs pour les hommes. Les arbres et les treilles servent d'ombrage naturel mais les pavillons servent eux aussi à bloquer le soleil. Leur architecture se doit de maintenir ouvert le rapport entre intérieur et extérieur. L'arche voûtée en est la meilleure expression. Mais la continuité dehors/dedans s'exprime aussi par la munificence de la décoration du pavillon qui contraste généralement avec la sobriété végétale du jardin.

Jardin de Fin : alimenté par une puissante source pérenne, ce jardin situé à l’origine à l’écart de la ville de Kashan et dans un environnement semblable à celui de Mahan est aujourd’hui totalement intégré dans l’expansion de la ville. Le jardin que…

Jardin de Fin : alimenté par une puissante source pérenne, ce jardin situé à l’origine à l’écart de la ville de Kashan et dans un environnement semblable à celui de Mahan est aujourd’hui totalement intégré dans l’expansion de la ville. Le jardin que l’on visite remonte au règne de shah Abbas 1er, les pavillons étant réaménagés au début du 19e siècle.

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Les canaux, alimentés de loin en loin par de petites buses, sont dallés de carreaux de faïences vernissées bleues. Devant et dans les pavillons, des bassins rafraichissent l’atmosphère et fonctionnent comme des miroirs des parties du jardin à l’exté…

Les canaux, alimentés de loin en loin par de petites buses, sont dallés de carreaux de faïences vernissées bleues. Devant et dans les pavillons, des bassins rafraichissent l’atmosphère et fonctionnent comme des miroirs des parties du jardin à l’extérieure.

De nos jours les formes et les styles de jardin se sont fortement diversifiés. Seules les maisons des classes riches traditionnalistes ont conservé l'organisation rigoureuse en chahar bagh. De nouvelles formes sont apparues à partir de la fin du 19e siècle,

* Les "hayat"

Dans leur version privée, ces jardins sont souvent centrés autour d'un bassin qui focalise l'attention mais sert d'abord à humidifier l'atmosphère ambiante. Sa végétation est souvent modeste en raison des quantités d'eau qui sont disponible dans les zones urbaines. Dans le domaine public, l'accent est mis sur l'esthétique par rapport à la fonction : arches, bassins, sol couvert de gravier. Les plantations sont d'ordinaire très simples, des arbres en lignes ayant d'abord une fonction d'ombrage.

*Les "meydan"

Ce sont des jardins publics de type « square », où l'accent est davantage mis sur les éléments naturels que dans les "hayat". L'importance de la structure y est minimisée (bassins et allées de gravier) alors que les plantations sont riches et variées : arbres toujours, mais aussi buissons, parterres de plantes et de fleurs, herbe.

*Les "parcs" et "bagh"

La fonction publique des parcs est dominante, mettant l'accent sur la vie végétale. Les allées sont pourvues de nombreux espaces où s'asseoir (bancs, murets, mais le décor architectural est limités en termes d'éléments structurels (kiosques, pavillons). Le but de ces lieux est la détente et la socialisation. Les "bagh" en sont la version privée, accolés aux maisons, valorisant l'aspect vert et naturel du jardin pour la détente en famille.

UNE FONCTION MYSTIQUE

« La rose est un jardin où se cachent des arbres» (RUMI ; 1207-1273).

Si le jardin a perdu sa fonction de lieu d'intercession qu'il avait sous les Achéménides, il prend après la conquête arabe une dimension mystique avec le développement au sein de l’Islam du soufisme et une dimension érotique avec le goût toujours puissant en Iran pour la poésie. Sans qu'il soit possible de les dissocier, leurs symboliques étant totalement imbriquées.

Pour le mystique, les jardins résident dans le cœur. Le jardin se trouve donc partout. Les jardins terrestres, tout comme la Nature, n'en sont que des images virtuelles reflétées dans le cœur, qui lui-même reflète le miroir de la Beauté divine. L'eau pure sortie d'une source, étalée dans la vasque d'un bassin, est miroir de toutes choses, qui, lissées dans le reflet, permet d'atteindre leur Vérité. Comme le reflet du soleil y exprime l'illumination de l'âme dans le divin. Le jardin – clos de murs et à l'écart de la ville – est ainsi l'image du cœur du quêteur de Vérité dont Dieu ouvrira la porte.

Mais le jardin est aussi le lieu de l'amour. En franchir la porte est pour l'amoureux le moment où, débarrassé des non-dit, des interdits sociaux, l'amour peut se déclarer à l'aimée.

« Les allées des jardins et les détours mystérieux des bosquets

Sans une belle aux joues de tulipe perdent tout leur prix»

(HAFEZ ; 1315-1390)

«Ton visage est semblable à la rose (gul), mon cœur au rossignol (bulbul) aimant

A cause de son amour pour la rose, le rossignol ne peut quitter le jardin»

(MACHRAB ; 1657-1711)

(j'ai indiqué ici entre parenthèse les phonèmes qui permettent de comprendre

l'association récurrente dans la poésie persane du rossignol et de la rose)

Et le vin peut y aider:

« Attention, ô échanson! Fais circuler la coupe,

Invite les convives à boire, car, vois-tu,

L'amour nous a d'abord semblé chose facile,

Mais ensuite que de difficultés se sont présentées ! ».

(HAFEZ)

Et longtemps, le vin fut de la fête dans les jardins. Clavijo, l'ambassadeur à Samarkande du roi de Castille, en porte témoignage en 1403 : invité à une fête organisée par Tamerlan, il constate : « on sert le vin avant de manger et on en donne si souvent que les hommes en deviennent ivres : on croit qu'il ne peut y avoir de réjouissances ni de fêtes sans s'enivrer »

Mais HAFEZ module cet appel à boire et doute de la réalité de la fête :

« Les jardins, les fleurs, le vin, sont des choses agréables,

Mais en l'absence de ce qu'on aime, le vin, les fleurs, les jardins perdent tout leur prix ».

Mais dans l’Iran aujourd’hui, plongé dans l'ombre des mollahs, (bien moins favorable à la culture que celle des palmiers à l'agriculture), cette dimension du jardin est mise sous le boisseau. Et avant de quitter le jardin, encore HAFEZ

« Les mystères qui nous sont cachés derrière le rideau,

Demandes-en l'explication aux buveurs pris de vin;

Car, vois-tu, cette faculté n'a pas été donnée aux seigneurs dévots du clergé ».

Jardin du mausolée d’Hafez à Chiraz

Jardin du mausolée d’Hafez à Chiraz

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VERS L’OUEST : LES JARDINS ARABO-MUSULMANS

Ce modèle du jardin persan s'est diffusé autour de la Méditerranée dans l'empire romain, au début de notre ère, quoiqu'avec moins de finesse que dans son milieu d'origine mais avec une grande maitrise de l’eau sur de grandes distances grâce aux aqueducs et siphons. Les Jardins de la Fontaine à Nîmes (redessinés au 18e siècle) sont à l’origine un lieu sanctuaire dédié à Auguste, centré sur un nymphée. Mais en domaine tempéré, les canaux tendent à disparaitre, ne laissant que des bassins réduits au sein d’un jardin atrium.

Conimbriga est une des cités antiques d'époque romaine les plus importantes du Portugal.Abandonnée lors des invasions germanique du 5e siècle, redécouverte au début du 20e siècle presqu'intacte, elle est bien mise en valeur par l'archéologie contemp…

Conimbriga est une des cités antiques d'époque romaine les plus importantes du Portugal.

Abandonnée lors des invasions germanique du 5e siècle, redécouverte au début du 20e siècle presqu'intacte, elle est bien mise en valeur par l'archéologie contemporaine.

Lors de la conquête arabe de l’empire Byzantin, l'Islam peut récupérer sans problème la structure du jardin persan (il en récupère aussi les thermes sous la forme du “hammam”). Comme la Bible, le Coran en exploite aussi l’image de “paradis”, en en faisant un jardin céleste traversé de 4 fleuves d’abondance (eau, lait, vin, miel) : « Il y aura là des ruisseaux d’une eau jamais malodorante, et des ruisseaux d’un lait au goût inaltérable, et des ruisseaux d’un vin délicieux à boire, ainsi que des ruisseaux d’un miel purifié. Et il y a là, pour eux, des fruits de toutes sortes, ainsi qu’un pardon de la part de leur Seigneur. » (Coran 47, 15). L'importance de l'eau, aisée à comprendre dans l'environnement semi aride, est redoublée par une sourate du Coran: « C'est Lui qui a créé les cieux et la terre en 6 jours et son Trône était alors sur l'eau ». Dans son prolongement, les Omeyyades vont forger l'image du « Prince dispensateur d'eau» en multipliant les jardins de la tradition persane.

A cette conception du paradis s’ajoute une fonction sanitaire du jardin et de ses jeux d’eau dans une structure très originale : les bîmâristâns. Souvent de la taille d’un grand palais doté d’un jardin intérieur, ils fonctionnent un peu comme un hôpital au sens moderne du terme et se développent du 9e au 13e siècle. Le bîmâristân est un centre de soin, un centre d’étude et de formation, un centre d’accueil répondant à l’impératif moral de l’Islam de traiter toute souffrance indépendamment de la richesse ou de la pauvreté des malades. Une spécificité dans les grandes villes est d’aborder le traitement des maladies psychiques par l’effet relaxant des bains et des sonorités de l’eau glougloutant dans les bassins. Mais à partir du 12e siècle les théologiens critiquent de plus en plus les options philosophiques des textes médicaux, en particulier la notion de causalité, et considèrent qu’il n’y a pas de connaissance en dehors de la révélation coranique. La pensée médicale savante est ainsi freinée dans ses sujets de recherche et les bîmâristâns disparaissent au cours 14e siècle.

Alep, bîmâristân Argoun : salle des cellules destinées aux hommes, malades psychiques

Alep, bîmâristân Argoun : salle des cellules destinées aux hommes, malades psychiques

De la Syrie, le modèle du jardin « arabo islamique » migre vers l’ouest au milieu du 8e siècle. Chassés de Damas par les Abbassides, les Omeyyades survivants s’implantent dans le sud de l’Espagne y développant les magnifiques jardins que l’on peut découvrir aujourd’hui en Andalousie. C’est à Grenade qu’ils ont été les moins affectés par la “Reconquista”, Charles Quint ayant été fasciné par la beauté de l’ensemble. Certes, pour y édifier son palais, une partie des palais nasrides a été rasée et un monastère y a été installé. Mais la présence du roi en ce domaine a sauvé le reste sans en modifier profondément les structures.

Jardins de l’Alhambra à Grenade : devant le porche de la salle des ambassadeurs le jet d’eau du bassin de marbre apporte sa fraicheur et sa sonorité apaisante, alimentant le miroir d’eau qui occupe la cour(il a son symétrique en face).

Jardins de l’Alhambra à Grenade : devant le porche de la salle des ambassadeurs le jet d’eau du bassin de marbre apporte sa fraicheur et sa sonorité apaisante, alimentant le miroir d’eau qui occupe la cour

(il a son symétrique en face).

Alhambra, jardins du Partal : la Tour des Dames et son portique de colonnades se réfléchissent sur un bassin encadré de palmiers, délibérément voulu comme miroir de l’architecture.

Alhambra, jardins du Partal : la Tour des Dames et son portique de colonnades se réfléchissent sur un bassin encadré de palmiers, délibérément voulu comme miroir de l’architecture.

Jardins du Généralife : sur l'autre versant de la colline le “Généralife” était le palais d'été des princes Nasrides, rafraîchit dans les ombrages, par l’omniprésence des bassins et jets d'eau. Son nom est un dérivé phonétique de l'arabe Jannat el A…

Jardins du Généralife : sur l'autre versant de la colline le “Généralife” était le palais d'été des princes Nasrides, rafraîchit dans les ombrages, par l’omniprésence des bassins et jets d'eau. Son nom est un dérivé phonétique de l'arabe Jannat el Arif signifiant « jardins de l'Architecte », évocation du « paradis » du Coran.

LA BEAUTE COMME INCITATION AU METISSAGE

A partir des Croisades, des théologiens chrétiens ont voulu voir dans la disposition cruciforme du jardin une évocation de la croix du Christ. Ce « paradis » est alors réinventé sous la forme du cloître, avec une galerie autour de laquelle circulent les moines en communion avec le ciel. L’eau disparaît comme élément essentiel du jardin : les rigoles périphériques ne récoltent que l’eau de pluie, l’eau permanente provenant d’un puits. Le jardin de beauté devient le plus souvent un jardin de « simples » à vertus médicinales.

Mais le souci de la beauté ne se perd pas.

La « Reconquista » catholique du sud de l’Espagne marque une étape décisive au 13e siècle avec la liquidation de l’Emirat de Cordoue. Les jardins que l’on peut y rencontrer sont donc une réinterprétation de l’héritage arabo-musulman, en particulier ceux de l’Alcazar. Jusqu’au 15e siècle, ils étaient alimentés par des norias remontant l’eau du Guadalquivir, selon un mécanisme encore visible de nos jours à Hama en Syrie (du moins lors de notre circuit en 2000), mais détruites sur ordre d’Isabelle « la Catholique » gênée dans son sommeil par leur bruit.

Hama : les norias relèvent l’eau du fleuve jusqu’à l’amorce de l’aqueduc qui la conduit vers les fontaines de la ville

Hama : les norias relèvent l’eau du fleuve jusqu’à l’amorce de l’aqueduc qui la conduit vers les fontaines de la ville

Les jardins actuels de Cordoue sont des élaborations des 18e et 19e siècles marqués de l’héritage “à la française”. Mais à bien y regarder, le bassin le plus en aval reprend la partition en 4 sections (chahar bagh), l’axe central étant marqué par la ligne de jets d’eau sur la médiane longue.

Les jardins de l’Alcazar

Les jardins de l’Alcazar

Il en reste un héritage pour les habitants de la ville : le concours des patios fleuris – forme héritée de l’atrium romain et équivalent du « petit jardin » que je vous ai déjà présenté – qui se déroule tous les ans, durant les 2 premières semaines de mai. Un jury, émanation de la municipalité, en décerne les prix. Pour cette occasion des dizaines de particuliers ouvrent leurs patios aux visiteurs, autres citadins ou touristes. Blanchis de frais à la chaux, décorés d’une multitudes de plantes et de fleurs aux couleurs vives, en pots ou en pleine terre, agrémentés souvent d’une fontaine et d’objets en rapport au jardin, on y est accueilli par des propriétaires très fiers de leurs réalisations. Ce grand moment de convivialité urbaine est inscrit au Patrimoine Immatériel de l’Humanité de l’UNESCO

« Appropriation culturelle ! » vont hurler certains, imprégnés de la « modernité intellectuelle américaine » (je vous renvoie à ma dernière conférence). Je vais donc terminer cette étape occidentale pour leur permettre de hurler encore plus fort avec un des plus célèbres jardins du Maroc, le jardin Majorelle à Marrakech. Il est ainsi présenté dans les brochures touristiques : « un des jardins les plus enchanteurs et mystiques du Maroc ». Or ce jardin est une création du peintre français Jacques Majorelle réalisé à partir de 1922. Le style « mauresque » des bâtiments est revisité par l’Art Déco et la végétation est une véritable somme de plantes et d’arbres exotiques, plus de 300 espèces, provenant des contrées les plus lointaines. Il est sauvé en 1980 de la destruction – des promoteurs voulant récupérer la place pour édifier un complexe hôtelier – grâce à son rachat par Yves Saint Laurent et Pierre Bergé qui entament une restauration générale et en font leur résidence. Décédés tous les deux, le jardin est devenu propriété d’un fondation, attirant chaque année plus de 600 mille visiteurs.

Le métissage culturel donne souvent de très belles choses...

VERS L’EST : LES JARDINS MOGHOLES.

La défaite chinoise à la bataille de Talas face aux troupes abbassides marque la fin de la progression de la dynastie Tang vers l’Asie centrale et assure l’islamisation progressive de la Transoxiane. Au début du 9e siècle, une dynastie issue du monde perse, les Samanides, prend le contrôle de la région établissant sa capitale à Boukhara. Imprégnés de religiosité islamique, les Samanides en favorisent l’interprétation soufi par la création de khanqah, maisons d’étape des soufis itinérants et valorisent l’étude par la création des premières médersas connues, organisées sur le modèle des centres d'enseignement bouddhistes.

Mais dans le même temps ils tolèrent les mazdéens et les nestoriens et affirment fermement leur culture persane face à l’arabisation développée par le pouvoir abbasside. On leur doit les premiers jardins créés dans cet espace semi aride de l’Asie centrale, avant de céder le pouvoir devant la pression turque au 11e siècle puis mongole au 13e siècle.

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Mausolée des Samanides à Boukhara : son état de conservation exceptionnel vient de ce qu’il a été totalement enfoui jusqu’en 1934 où il fut redécouvert et exhumé, avec la structure du bassin.

Mausolée des Samanides à Boukhara : son état de conservation exceptionnel vient de ce qu’il a été totalement enfoui jusqu’en 1934 où il fut redécouvert et exhumé, avec la structure du bassin.

Le jardin qui l’entoure est donc une création “soviétique” qui a cherché à rester la plus fidèle possible aux apports de l’archéologie. C’est le plus ancien mausolée à adopter la forme koubba (cube évoquant la Kaaba, surmonté d’une coupole) entièrement construit de briques apparentes dont le décor imite le tressage d'une vannerie.

C’est au début du 13e siècle que l’islam pénètre en Inde et s’y développe à partir du Sultanat de Delhi puis prend toute son extension avec la formation de l’empire Moghole au 16e siècle.

Le premier jardin que je veux évoquer ici est celui de la citadelle fortifiée d’Amber, dont le rajah Jai Singh 1er fait la capitale de son royaume Rajput au cours du 17e siècle. Au sein du complexe palatial, Jai Singh fait aménager dans une vaste cour rectangulaire un jardin selon les critères architecturaux persans du chahar bagh repris par les Moghols. Comportant des motifs hexagonaux, il est parcouru d'étroits canaux bordés de marbre autour d'un bassin en étoile avec une fontaine au centre. L'eau s’écoule en cascadant sur une dalle oblique au centre de la galerie occidentale aux arcs polylobés caractéristiques du style indo-islamique, rafraichissant l’air avant de venir alimenter le bassin central. En face, ouvert sur 3 côtés la salle des audiences privées, le Diwan-i-Khas, entièrement réalisé en marbre de couleur ivoire, comporte une décoration qui rompt avec l’abstraction graphique de l’islam. Les parois sont décorées de magnifiques volutes de feuilles, de vases et de fleurs peintes. Le haut des murs, les corniches et les plafonds sont tapissés de motifs floraux et de centaines de petits miroirs convexes noyés dans un réseau de fins entrelacs géométriques. En démultipliant la lumière, ces miroirs participent à la magie du lieu. La paroi du fond est ouverte de claustras finement ajourés qui assurent la circulation de l’air.

Jardin du palais d’Amber : lors de ma visite en 2008 il était en réparation (reprise des fuites sur les canalisations et la fontaine centrale) et en rénovation de sa végétation (remplacement des orangers et des rosiers trop vieux).

Jardin du palais d’Amber : lors de ma visite en 2008 il était en réparation (reprise des fuites sur les canalisations et la fontaine centrale) et en rénovation de sa végétation (remplacement des orangers et des rosiers trop vieux).

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Le plus célèbre héritage de l’Islam en Inde est sans aucun doute le mausolée que Shah Jahan fit ériger à Agra en l’honneur de sa femme, Mumtaz Mahal (“Lumière du Palais” en persan) : le Taj Mahal (1631-1648) qui précède de peu la construction de Versailles. Il est situé au bout d'un jardin ornemental rectangulaire (de 580 par 305 m.) clos par une enceinte ornée d’une fausse porte au centre de chacun des cotés mais dont seule la porte du mur sud faisant face au monument est fonctionnelle. Haute de 30 m. constituée d’un grand iwan central, flanqué d'iwans latéraux et couronnée de chhatris, elle assure le passage entre l’avant cour et le jardin. Celui-ci est structuré selon la tradition persane du chahar bagh par 4 canaux en croix pourvus de jets d'eau et de fontaines, avec au centre du croisement un vaste bassin de marbre, délimitant quatre carrés égaux. Chaque partie est subdivisée par des promenades secondaires agrémentées de ruisseaux bordés d’étroits chemins, dont le pavé est composé de petits cailloux polis. Jusqu’à la fin du 19e siècle, ce jardin était un verger, planté d'arbres divers notamment d’agrumes, où poussaient des fleurs en abondance, symbolisant le paradis promis à Muntaz. Mais lorsque lord Curzon prit sa fonction de vice-roi des Indes en 1899, il fit raser le verger pour y implanter des pelouses typiquement anglaises, faisant border les 2 axes principaux par une ligne de cyprès et de massifs de rosiers. Son objectif, typiquement occidental, était d’ouvrir la perspective visuelle jusqu’au splendide mausolée de marbre blanc.

Le jardin du Taj Mahal : revisité par les BritanniquesLe mausolée lui-même a échappé à la destruction au début du 19e siècle quand le colonisateur envisageait froidement de transformer tout ce marbre en plâtre comme l’ont fait les papes à Rome lors …

Le jardin du Taj Mahal : revisité par les Britanniques

Le mausolée lui-même a échappé à la destruction au début du 19e siècle quand le colonisateur envisageait froidement de transformer tout ce marbre en plâtre comme l’ont fait les papes à Rome lors de la Renaissance. Aujourd’hui la menace vient des intégristes hindouistes qui font tout pour en obtenir la destruction, ne supportant pas que la plus belle image de l’Inde soit associée à un monument musulman.

L’immense iwan du porche d’entrée.

L’immense iwan du porche d’entrée.

La décoration comme à Amber s’exprime ici dans le bas relief floral des marbres.

La décoration comme à Amber s’exprime ici dans le bas relief floral des marbres.

Je terminerai ce tour au pays des Moghols par le jardin du palais d’été de Tipu Sultan, datant de la fin du 18e siècle, à Srinangapatna, sa capitale rasée par les anglais après sa défaite, à quelques kilomètres de Mysore.

Dans l’histoire indienne Tipu reste une figure très controversée. Alors que les dirigeants de l’empire Moghole et des royaumes subordonnés, maharajahs et nizâms étaient prêts aux compromis avec la puissant Compagnie britannique des Indes, Tipu va lutter avec acharnement à la fin du 18e siècle contre l’emprise coloniale britannique. Musulman pieux, s’il est relativement tolérant pour les populations de son royaume, majoritairement hindouistes, il ne l’est pas du tout à l’extérieur lors de ses tentatives d’extension vers la confédération Marâthe et le Travancore. Dans l’idéologie hindouiste qui domine aujourd’hui en Inde, il est gênant que le dernier combattant de l’indépendance ait été un musulman…

Le palais un vaste carré de deux étages repose sur un socle de pierre surélevé occupant le centre de croisement des 2 canaux qui structurent le chahar bagh. Construit en bois de teck, son organisation intérieure est découpée par des cloisons de mortier finement plâtré. Chaque pilier porteur est orné à sa base d'un motif sculpté qui semble que le faire émerger d'une fleur. Les murs et le plafond du palais sont également ornés de beaux motifs floraux. Comme au Taj Mahal, le jardin était un verger orné d’arbustes floraux à floraison quasi permanente tels les mussaendas et les ixoras. Mais ici les grandes allées bordant les canaux étaient soulignées par une ligne de cyprès.

Ce petit palais est protégé du soleil et des oiseaux par des cannisses obturant les arcades en l’absence de la cour. L’intérieur est entièrement décoré de fresques murales évoquant la cour de Tipu et de son père et les batailles menées par Tipu cont…

Ce petit palais est protégé du soleil et des oiseaux par des cannisses obturant les arcades en l’absence de la cour. L’intérieur est entièrement décoré de fresques murales évoquant la cour de Tipu et de son père et les batailles menées par Tipu contre ses ennemis.

La figuration s’impose ici contre les stricts canons de l’islam.

Les photos de l’intérieur étant interdite lors de ma visite en 2006, j’ai fait appel ici aux ressources d’internet…

Les photos de l’intérieur étant interdite lors de ma visite en 2006,

j’ai fait appel ici aux ressources d’internet…

Une partie des canaux est aujourd’hui remblayée et plantée de fleurs en strate basse. Seuls quelques arbres de belle taille ont été conservés, la pelouse ayant remplacé le verger.

Une partie des canaux est aujourd’hui remblayée et plantée de fleurs en strate basse. Seuls quelques arbres de belle taille ont été conservés, la pelouse ayant remplacé le verger.

A proximité du palais d’été, le mausolée de Haidar Ali, son père qu’il a rejoint en ce lieu après sa mort, présentait une organisation similaire du jardin. Occupé par les troupes britanniques en 1792 il fut totalement dévasté, selon l’appréciation de Tipu Sultan : « Ce jardin était aménagé en allées régulières de cyprès ombragés et regorgeait d'arbres fruitiers, de fleurs et de légumes de toutes sortes. Mais la hache de l'ennemi le dépouilla bientôt de ses beautés; et ces arbres, qui s’offraient autrefois aux plaisirs de leur maître, étaient obligés de fournir des matériaux pour la conquête de sa capitale ».

Nous irons tous au paradis ? Vraiment ?

Jean Barrot

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