ASTRO-NOTES: LE POLE SUD LUNAIRE
Connaissance & Partage
Un lieu d’ensoleillement exceptionnel
Dans le dernier article, nous avons abordé l’exploitation possible du pôle sud lunaire pour en extraire une quantité phénoménale d’eau. Mais les scientifiques y voient un autre attrait : l’extrême puissance de son ensoleillement.
Selon Bernard Foing, le directeur de la fondation Lunex EuroMoonMars, dont nous avons déjà parlé dans le premier article : « Pour les mêmes raisons que le fond des cratères est constamment à l’ombre, les reliefs les plus élevés reçoivent eux la lumière du Soleil une très grande partie de l’année. En comparaison, à l’équateur, on alterne entre deux semaines d’ensoleillement suivi de deux autres d’obscurité. » Dans ces conditions, les habitants de la base lunaire pourront collecter l’énergie solaire et, grâce à des panneaux, la convertir en électricité en permanence ou presque. Sans oublier le fait que, disposant de lumière pendant toute la durée de leur séjour, leur travail sera largement facilité.
De plus, selon David Kring, du Lunar and Planetary Institute de Houston « L’analyse de la glace pourrait révéler de précieuses informations sur l’origine de l’eau sur la Lune et, plus largement, sur les autres corps du système solaire, dont la Terre. ». Par ailleurs, ajoute-t-il, « Comme le pôle sud se trouve sur les bords du plus grand bassin d’impact de la surface lunaire, baptisé Pôle Sud –Aitken, l’étude des roches collectées sur place nous éclairera sur le bombardement primordial qui a façonné le système solaire interne. »
Pour le moment, aucun site précis n’a été sélectionné par les agences pour accueillir une future base spatiale. Cependant, ces dernières ont fixé une liste de critères pour le choix du candidat idéal. « Celui-ci devra à la fois posséder un très fort ensoleillement, être proche de zones perpétuellement à l’ombre pour en faciliter l’accès à pied ou en rover et permettre un alunissage sans risque, c’est à dire un terrain relativement plat, sans trop de rochers, avec de petits cratères et de la poussière en surface. » confie Daniel Moriarty, un planétologue de la Nasa impliqué dans la sélection du site.
Certains sites ont cependant été présélectionnés comme les cratères Nobile, Shoemaker ou Gerlache par la Nasa car les chercheurs pourraient profiter d’une importante altitude, synonyme de forte illumination et de la proximité des glaces prisonnières au fond des cratères.
Un site, notamment, est dans la visée des Américains et des Chinois : le cratère Shackleton. Même si sa taille est plus modeste que les autres cratères sélectionnés, il reçoit la lumière solaire 90% du temps. On assistera donc à une bataille acharnée reconnaît Bernard Foing « La zone propice à l’installation d’une base près du cratère Shackleton est très petite, quelques kilomètres carrés seulement. Dès lors, on peut s’attendre à une véritable course pour arriver le premier et s’assurer la primeur de l’utilisation de ce site ».
Le droit à la surface de la Lune, réglementé par le traité de l’espace établi par l’ONU en 1967, est pourtant formel : Tout comme les autres corps célestes, notre satellite n’appartient à personne et ne peut faire l’objet d’une appropriation.
Cependant, les Etats-Unis ont une interprétation toute personnelle de ce traité : si nul ne peut s’approprier la Lune, on peut en revanche s’en approprier les ressources… C’est cette vision que la Nasa tente actuellement de faire prévaloir à travers les accords Artémis qui définissent une série de principes que s’engagent à respecter les pays collaborant au programme lunaire américain.
Pour contrer les prétentions des Etats-Unis, la Chine affiche également un calendrier ambitieux : En 2024, la mission Chang’6 devrait collecter des échantillons de roches de cette région avant de les rapporter sur Terre. Puis Chang’8 devrait poser les premières briques d’une station de recherche automatisée.
Quel rôle jouera l’Europe dans cette course entre ces deux puissances ?
Selon Bernard Foing « La vison de l’ESA est de créer à terme, un « village lunaire » où tous les acteurs du secteur spatial collaboreraient et tireraient ensemble les bénéfices du lieu et non pas une base fermée réservée à certains. ».
Cette vision parviendra-t-elle à s’imposer ?
Réponse d’ici à la fin de la décennie.
Bonne lecture
Bob