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COCASSE CAUCASE - VIGNETTES DE VOYAGE  SEPTEMBRE - OCTOBRE 2017  VINCENT ET CLAIRE FAUVEAU

PETITES CHRONIQUES DE CONFÉRENCIERS

COCASSE CAUCASE - VIGNETTES DE VOYAGE SEPTEMBRE - OCTOBRE 2017 VINCENT ET CLAIRE FAUVEAU

Connaissance & Partage

Vincent et Claire Fauveau

On parle beaucoup du Caucase, et depuis longtemps. En fait depuis la nuit des temps. Berceau de l’humanité, berceau du christianisme, berceau des nationalismes régionaux. Pourtant on n’en connaît pas grand chose : qui est capable de dire où est l’Ossétie du Sud ? de donner le nom du dictateur Azéri ? ou de dire la proportion de musulmans en Géorgie ?

C’est simple il faut y aller ! Et y passer du temps. Ou alors lire beaucoup de livres, documents, romans, articles et revues sur la question, sur les innombrables questions qui agitent le Caucase. Nous avons bénéficié d’un concours de circonstances unique, qui nous a permis de voyager non pas comme des routards, ni comme des représentants de commerce, ni comme des humanitaires, ni encore comme des touristes en troupeau, mais comme des pris en charge n’ayant aucune inquiétude logistique ni financière, invités que nous étions par notre ami Johannes, qui était le représentant coordinateur régional pour le Caucase du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR pour ceux à qui ça parle). En conséquence, nous n’avons apporté avec nous que des documents, beaucoup lus ou parcourus avant de partir, et nous avons bénéficié à chaque instant du voyage des conversations avec notre guide-mentor ainsi que de ses connaissances étendues et documentées sur la région. Nous nous sommes concentrés pendant ces courts dix jours sur la Géorgie et l’Arménie, laissant de côté pour le moment l’Azerbaïdjan, troisième pays du trio caucasien. Cela veut dire qu’il faudra revenir, en particulier pour dévider l’écheveau du Nagorny Karabagh, cette province "disputée", qui nécessite un voyage à lui tout seul.

Presqu'île du lac Sewan, Arménie, en bordure du Nagorno-Karabah

Presqu'île du lac Sewan, Arménie, en bordure du Nagorno-Karabah

Ce qui suit n'est pas un cours de géopolitique, mais une collection de quelques vignettes éparses. Regards naïfs d’un observateur curieux, peu compétent en géopolitique, mais aux yeux ouverts.

L’histoire de la constitution, puis de l’éclatement de l’empire soviétique, en tout cas en ce qui concerne le Caucase, mérite d’être relue. On en a un aperçu quelque peu optimiste en visitant le Musée Staline à Gori (ville de naissance du « petit père des peuples » au cœur de la Géorgie). Son panégyrique passe sous silence les fameuses purges qui auraient été responsables de la mort de 10 millions de gens. On reviendra sur le Musée.

Joseph Staline en jeune révolutionnaire au musée de Gori

Joseph Staline en jeune révolutionnaire au musée de Gori

En gros ça s’est mal passé, non seulement lors de la constitution de l’URSS, mais aussi et surtout à sa dissolution. Les Caucasiens sont là pour en témoigner, d’autant plus qu’ils avaient subi dans leur histoire le joug de pas moins de sept empires : les Perses achéménides, les Grecs, les Perses encore (Sassanides), les Mongols, les Romains, les Arabes, les Perses encore, les Ottomans, le Russes tsaristes, puis les Soviétiques, dont ils viennent de se débarrasser (quoique…) Destinée invraisemblable. Résultat : aujourd’hui tous les pays du Caucase sont «amputés» de 15 à 25% de leur territoire initial, et cela cause des milliers de déplacés et de réfugiés, et de gros risques de confrontations, qui font le jeu des grandes puissances.


Une des premières choses qui frappent à l’arrivée dans le Caucase, c’est la proportion de «Caucasiens» (au sens ethnique du terme, racial comme disent les Américains) qu’on rencontre : que des blancs de peau, bruns, blonds ou roux de poil, pas d’alternatives de couleur. Les hommes sont dans la majorité baraqués, bedonnants et moustachus, et les femmes blondes, mamelues et fessues. Enfin après un certain âge…

Miss Georgie

Miss Georgie

Mais il n’y a pas de caractéristique ethnique remarquable comme dans beaucoup d'autres pays visités. Si le Caucase a été de tous temps un carrefour de voyageurs, de migrants et de guerriers de tous bords, rien n’indique qu’on est en Asie.

Ah, mais sommes-nous en Asie, me direz-vous ? Eh bien il semble que non. Si techniquement, géographiquement, la démarcation avec l’Europe est le détroit des Dardanelles (ou celui du Bosphore), le pourtour de la Mer Noire peut être considéré comme encore européen, d’autant plus que les pays caucasiens sont issus d’une entité qui se voulait européenne, l’URSS. Des trois pays, c’est manifestement la Géorgie qui se réclame la plus européenne : on est d’ailleurs accueilli dès l’aéroport, et dans tous les bâtiments officiels du pays, par le drapeau européen au côté du drapeau national. La Géorgie a déposé sa demande d’adhésion à l’Union Européenne, et attend toujours la réponse…

Drapeaux géorgien et européen célébrant la demande d’adhésion

Drapeaux géorgien et européen célébrant la demande d’adhésion

L’Arménie et l’Azerbaïdjan non, première indication des inimitiés entre les trois. La Géorgie va-t-elle aussi adhérer à l’OTAN ? Ce serait inacceptable pour la Russie, qui garde un œil sévère sur ses marches... Et pourtant, la diversité ethnique de ce petit territoire qu’est la Géorgie est effarante : Géorgiens de souche, Arméniens, Azéris, Turcs, Russes, Grecs, Allemands, Ukrainiens, Tchétchènes, Kystes, Kurdes, Assyriens, Daguestanais, Abkhazes, Ossètes, Meskhètes, Adjares, Kakétiens, Gouriens, Ratchvélis, Mingréliens, Imérètiens, Kartliens, Touches, Svanes, Mtioulétiens, Khevsoures, et j’en passe... Si on considère que chaque groupe parle sa langue, et que la langue géorgienne qui les fédère est une langue impossible venue du fond des temps (origine sanscrite ou mésopotamienne ?), on ne s’étonne pas des divergences de vues entre tous ces gens. Chez nous on parle de communautarisme, là-bas on est Géorgien…

Qui se souvient de la « guerre-éclair » de Sarkozy ? Le 7 août 2008, à la suite d’un concours de circonstances qu’il serait trop long de détailler, l’Armée géorgienne attaque la capitale Tskhinvali de la République Autonome autoproclamée d’Ossétie du Sud, qui reçoit depuis 1999 l’appui de la Russie. En représailles, l’armée russe pénètre en Ossétie du Sud à partir du Nord, démolit l’armée géorgienne, et pousse jusqu’à Gori en plein territoire géorgien. Il en résulte un imbroglio diplomatico-politique de grande ampleur car la Géorgie appelle l’Europe à la rescousse. Et devinez qui est le Président en exercice de l’UE à cette époque ? Le jeune et fringant Nicolas Sarkozy, justement en quête de notoriété internationale. Il enfourche le conflit, parle avec les grands (Poutine et Obama), et propose un accord, qui est accepté le 20 août. La guerre aura duré deux semaines, la Russie y aura reconnu l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, la Géorgie a tout perdu, mais la France a gagné des médailles, qui sont encore utiles dix ans après… Nous n’avons pas besoin de visa.

Parmi les hommes d’état géorgiens, quelques-uns ont eu une destinée internationale, au-delà de leurs frontières. On se souvient de leurs noms :

--Bien sûr, Joseph Dougachvili, surnommé Staline, héros de Gori sa ville natale, de l’URSS, et de la 2ème Guerre Mondiale. Dans le musée que Gori lui a érigé, on le voit à tous âges, mais ne parle pas de son demi-frère, « l’autre Joseph », popularisé par le roman de Kéthévane Davrichewy.

--Edouard Chevarnadzé, ancien président du PC de la République Soviétique Autonome de Géorgie, qui fut ministre des affaires étrangères de l’URSS sous Gorbatchev, puis Président de la Géorgie pendant onze ans de 1992 à 2003.

--Mikhail Saakachvili, héros de la Révolution des Roses en 2003, Président tonitruant de 2004 à 2014, exilé en Ukraine dont il devint pour un temps Gouverneur de la Région d’Odessa (oui!), puis déchu de sa nationalité ukrainienne, errant dans les limbes de l’apatridie…

L’eau thermale « miraculeuse » de Bordjoumi, en Géorgie

L’eau thermale « miraculeuse » de Bordjoumi, en Géorgie

Ce soir je tente les bains et le sauna du grand hôtel de conception soviétique qui domine la ville thermale de Borjoumi. C’est la première station d’eaux de l’histoire dans la région, fréquentée par les Tsars et leurs suites d’artistes et de mondains de Saint Petersbourg, munie d’une usine d’embouteillage de 600,000 bouteilles à l’heure (sans compter les canettes), alimentant les restaurants de tout l’ex-monde soviétique, d’Arkangelsk à Vladivostok en passant par Moscou.





Dans la tradition locale, l’hôtel possède un magnifique sauna. Je pousse la porte du bain humide, tente un mouvement de recul asphyxié par l’agression de la vapeur bouillante, persiste et cherche un banc pour m’asseoir dans la brume. Entendant parler autour de moi, je m’intéresse à mes co-cuits. Aucun de parle anglais, mais je comprends que l’un est Géorgien, l’autre Ossétien, l’autre Abkhaze, et le quatrième Russe. De leur discussion animée je ne retiendrai que l’amorce d’un complot qu’ils fomentent pour renverser le gouvernement géorgien et créer un nouvel état dont la capitale serait Borjoumi. Mais j’ai pu me tromper…

Village en Géorgie, dominé par le Mont Kazbek

Village en Géorgie, dominé par le Mont Kazbek

Au cœur du « petit Caucase » dans la Haute Adjarie autrefois farouchement autonome, les routes ne sont pas goudronnées, les cartes ne sont pas précises, et les populations sont restées islamisées depuis le passage des Ottomans. On découvre après l’avoir longtemps cherché le village de Nigazouli où une charmante mosquée en bois peint a été érigée sur le site d’une ancienne citadelle commandant la vallée. Le gardien du musée local nous relate des combats du seigneur local, Nesim, qui ne semblait pas avoir froid aux yeux.

Mosquée en bois peint de Nigazouli, Haute Adjarie géorgienne

Mosquée en bois peint de Nigazouli, Haute Adjarie géorgienne

Après un long périple dans le « petit Caucase » parsemé de villages d’éleveurs, et le franchissement du col de Goderzi à 2050 mètres, nous débouchons sur la ville de Batoumi, grand port sur la Mer Noire, deuxième ville de la Géorgie. Alors là, choc culturel total : une ville immense dont le front de mer exhibe les buildings, gratte-ciels et monuments les plus exubérants, les plus osés, les plus fascinants du monde. Tout est conçu pour impressionner le touriste (russe pour l’essentiel) et lui faire dépenser son fric. Cette station balnéaire récente a bénéficié d’une part du retrait de Soukhoumi maintenant en territoire Abkhaze à deux pas du fameux Sotchi, d’autre part des projets dantesques de modernisation du Président Saakachvili, enfin de la mise à l’écart de la famille régnante Abachidzé en Adjarie qui centralisait, détournait et bloquait tous les projets de développement jusqu’en 2004. Carte blanche aux audacieux, la ville a de quoi étonner les touristes, qui peuvent à toute heure la survoler en ULM. D’autant plus que comme dans le reste du pays, le vin (local) coule à flot, et aucune restriction n’existe sur la consommation d’alcool, si ce n’est la conduite en état d’ébriété (sic, mais elle n’est pas respectée).

Skyline de nuit à Batoumi, Géorgie, la ville de toutes les audaces

Skyline de nuit à Batoumi, Géorgie, la ville de toutes les audaces

A propos de vin, les dépliants géorgiens indiquent qu’il a été « inventé » en Géorgie autour de 6000 ans avant JC, et qu’on y trouve les cépages anciens les plus prestigieux, les vignobles les plus réputés, les arômes les plus délicieux, et les bouteilles les moins chères. Allons donc voir ce qu’il en est au Château de Mukhrani. Situé dans un terroir absolument plat, ce qui est assez rare en Géorgie (et dans le monde viticole), on est accueilli dans un véritable château blanc, avec parc aux arbres centenaires, immenses potager et verger, gigantesques chais, salle de restaurant voûtée, et un chef sommelier arrogant à l’accent américain. C’est la recette du succès : le Château vend beaucoup et son vin est bon.

Château Mukhrani , fleuron viticole de la Géorgie

Château Mukhrani , fleuron viticole de la Géorgie

Depuis l’indépendance, la Russie a déclaré l’embargo sur les vins géorgiens qui, auparavant produits dans les kolkhozes, alimentaient l’immense marché soviétique. Alors les viticulteurs se sont mis à leur compte, souvent aidés par des oligarques oeno-stalgiques, et visent le marché mondial. Presque toutes les régions collinaires du pays se sont mises à produire du vin, avec des fortunes diverses. Le nombre de caves à vin et de boutiques de vente est incroyable dans les rues des grandes villes. Le vin est la première attraction touristique du pays, fortement encouragée par le gouvernement, qui vise les 7 millions de visiteurs par an (pas mal pour une population de 4,5 millions, c’est la même proportion que pour la France).

Vue de Vardzia la capitale troglodytique de la Reine Tamar, Géorgie

Vue de Vardzia la capitale troglodytique de la Reine Tamar, Géorgie

Sur une route de montagne sinueuse et inondée de pluie, en direction de la ville troglodyte de Vardzia, patrie de la reine Tamar, nous nous arrêtons pour prendre deux jeunes auto-stoppeurs Suisses trempés comme des soupes :

« - D’où venez-vous ?

-De Suisse

-Où allez-vous ?

-A Vardzia

-Et vous allez loin comme ça ?

-Jusqu'au Vietnam, en stop…»

Ils portaient des sacs de plus de 20 kilos chacun. Bonne route les petits suisses!...

Le train de nuit Batumi-Erevan en gare de Batumi (vise le ventre…)

Le train de nuit Batumi-Erevan en gare de Batumi (vise le ventre…)

Le train de nuit que nous empruntons à Batoumi sur la Mer Noire géorgienne pour rejoindre Erévan en Arménie a deux locomotives géorgiennes quasi neuves et cinq wagons arméniens très anciens, style transsibérien des années 70, avec des hôtesses peu amènes régnant sur chaque wagon. Comme elle n’a pas le droit de dormir, la nôtre s’ingénie à passer dans le couloir toute la nuit en criant des instructions incompréhensibles. Absolument tous les panneaux amovibles, vissés et dévissables, sont scellés par du gros scotch rouge portant le sceau des Douanes. On ne peut pas se cacher dans les faux plafonds, ni y planquer les marchandises de contrebande...

Tout y est : Le Mont Ararat, l’église arménienne et la vigne…

Tout y est : Le Mont Ararat, l’église arménienne et la vigne…

Le drapeau arménien est charmant : rouge pour le sang de la Patrie, bleu pour la République, et orange pour l’Abricot, fruit national…

Le drapeau arménien est charmant : rouge pour le sang de la Patrie, bleu pour la République, et orange pour l’Abricot, fruit national…

L’Arménie, un peu comme le Kurdistan, s’étendait jusque récemment sur un territoire immense couvrant des régions appartenant à plusieurs pays. Son territoire officiel actuel s’est réduit à une peau de chagrin, à la suite de plusieurs évènements géopolitiques majeurs et désastreux : Le génocide perpétré par les Turcs en 1915 et 1916 (et les massacres dès 1909), puis l’éclatement de l’Union soviétique, enfin les innombrables conflits ultérieurs, en particulier avec l’Azerbaïdjan. Cependant, on trouve des Arméniens dans tous les pays voisins, et la diaspora internationale se monterait à sept millions, contre deux ou trois millions restés au pays (dont un grand nombre continue d’émigrer vers des cieux plus cléments). Ne pas oublier que la famille de Charles Aznavour, comme son nom ne l’indique pas, est originaire de la ville d’Akhaltsikhe au centre de la Géorgie : il y avait dans cette ville une forte communauté arménienne (il reste une église bien visible), et les gens sont partis au moment du génocide, pour se replier vers Erevan ou vers des pays tiers (dont la France pour la famille Aznavour, qui, ironie de l’histoire, s’était vue refuser le visa pour les USA). Aznavour est revenu chanter à Akhaltsikhe en 2012, à l’occasion de l’inauguration de la citadelle (Ribat) rénovée par Saakatchvili.

Citadelle (ribat) d’Akhaltsikhe en Géorgie, avec sa mosquée

Citadelle (ribat) d’Akhaltsikhe en Géorgie, avec sa mosquée

Contrairement à la Géorgie qui respire le dynamisme, la modernité, l’initiative économique et le rapprochement avec l’Europe, avec des audaces architecturales dans toutes les villes, et une grande ouverture aux visiteurs (voir chapitre tourisme), l’Arménie laisse une impression d’un pays beaucoup plus austère, plus sérieux, plus tourmenté (on le serait à moins), et surtout plus lent à se dégager de l’atmosphère soviétique qui l’imprègne encore beaucoup. Quelques exemples : on voit des friches industrielles avec usines rouillées et abandonnées dans tout le pays, en particulier le long du chemin de fer en arrivant à Erevan mais aussi le long des routes du nord ; on voit des barres d’immeubles immenses avec de tous petits appartements, du linge qui sèche aux balcons, alors qu’il y aurait de la place autour ; les routes dans tous les villages et les villes sont bordées de tuyaux à l’air libre, peints de couleur jaune, faisant des angles droits géométriques distribuant le gaz pour le chauffage et la cuisine (c’est maintenant du gaz acheté à l’Azerbaïdjan). L’immense majorité des véhicules sont des modèles soviétiques : camions Kamas, voitures Lada et Volga (marchant tous au gaz liquide), quelques Mercedes, encore moins de modèles japonais)

Les Volga soviétiques marchent encore au gaz , Noratus, Lac Sewan

Les Volga soviétiques marchent encore au gaz , Noratus, Lac Sewan

Enfin l’architecture reste typiquement soviétique : grands bâtiments en pierre et avenues d’Erevan la capitale, monuments et statues monumentales d’allure sévère aux carrefours, allégories diverses. Et des babouchkas partout comme en Sibérie

Donc grand contraste entre les deux pays. La visite au Musée du génocide qui jouxte le monument révèle une grande partie de cette situation : les Arméniens ont souffert, et souffrent encore, des discriminations liées à leur groupe ethnique, comme les Juifs, comme les Roms.

Le Mémorial du Génocide arménien à Erevan

Le Mémorial du Génocide arménien à Erevan

Il paraît que même leur diaspora boude la mère patrie, personnifiée par l’immense statue blanche qui domine la ville d’Erevan. C’est la réplique de la Mère Géorgie qui domine la ville de Tbilissi au-dessus de la citadelle Narikala : chacun sa mère…

Comme lors de chacun de mes voyages, j’ai cherché les représentations liées à la fécondité et à la maternité dans le Caucase. Autre contraste : j’ai trouvé très peu de choses en Géorgie, en revanche beaucoup d’intéressantes avenues en Arménie : déesses mères du néolithique, idoles de fertilité en pierre et en bronze, temples dédiés à Anahit la déesse de l’amour et de la maternité (future Aphrodite). Cela confirme bien d’une part le rôle de berceau de l’humanité de la région, d’autre part l’universalité de la quête humaine pour la fécondité. Chaque année au 31 décembre, toutes les femmes enceintes et toutes les femmes en mal de grossesse de la région de Sanahin se retrouvent sur le parvis de l’église en ruine pour des prières, des chants et des offrandes destinés à appeler la clémence des dieux (proto chrétiens). Elles portent sur elles de belles grenades éclatées révélant les graines écarlates, symboles de fertilité, qu’elles font bénir par des popes condescendants. Je vais donc ajouter un chapitre à mon livre sur la fécondité dans le monde.

On peut imaginer que le ciel des pays caucasiens repose sur trois gigantesques colonnes de plus de 5000 mètres de hauteur :

--au Nord l’Elbrouz, géant volcanique de 5642 mètres se dressant en Russie juste au nord de la frontière avec l’Abkhazie,

--au centre le Kazbek, autre volcan de 5050 mètres sur le territoire géorgien à la frontière avec l’Ossétie du Nord,

-- au sud le Mont Ararat, autre volcan éteint de 5165 mètres, se trouvant actuellement, par une erreur de l’Histoire, en Turquie. Alors qu’il est le mont fétiche de tous les Arméniens puisque comme chacun sait, c’est près de son sommet que s’est échouée l’Arche de Noé, les Arméniens doivent se contenter de l’admirer de leur côté de la frontière étanche. C’est la dernière avanie faite par les Turcs aux Arméniens, la privation de leur montagne sacrée. En hiver et par temps clair on peut apercevoir l’un ou l’autre de ces trois sommets de n’importe où dans le Caucase, mais nous, nous nous sommes débrouillés pour n’en apercevoir aucun… Triste temps d’automne.

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Cocasse Caucase :

Les premières nations qui ont officiellement reconnu l’indépendance de l’Abkhazie (capitale Soukhumi) furent Nauru, Tuvalu et Vanuatu, totalisant quelques 50 000 habitants. Les deux derniers se seraient rétractés par la suite, ayant reconnu avoir été quelque peu abusés…

Beaucoup de touristes en Arménie, bien sûr les gens de la diaspora parlant toutes les langues, mais aussi des chrétiens du monde entier, viennent voir les vestiges des premières églises de la chrétienté, maintenant gérées par le Patriarche Catholicos (pas très catholique tout ça) dont le Vatican local à proximité d’Erevan s’appelle Edjmiatzin.

Concordat Eglise-Etat au Catholicos d’Edjmiatzin, près d’Erevan

Concordat Eglise-Etat au Catholicos d’Edjmiatzin, près d’Erevan

Comme dans tous les pays orthodoxes, il est de bon ton de baiser les icônes en entrant dans une église, ici à Batumi

Comme dans tous les pays orthodoxes, il est de bon ton de baiser les icônes en entrant dans une église, ici à Batumi

Un diasporaman audacieux avait amené son drone et prenait des vues panoramiques du site pour en faire profiter au retour ses vieux parents restés chez eux. Nous avons rencontré une mission médicale américaine venue du Nébraska, venue pour opérer les cas inopérables sur place, dirigée par un obstétricien gigantesque qui s’était malencontreusement coiffé (pour rire) d’une casquette de maréchal soviétique : le comble du bon goût.

Beaucoup de propriétaires de véhicules s’improvisent guides touristiques en mettant des grandes affiches sur leur voiture pour attirer le client. Nous tombons sur un qui parle bien français, puisqu’il a passé cinq ans dans un village de l’Ariège (!), faisant la navette quotidienne entre l’Andorre et Toulouse pour écouler un business juteux de cigarettes de contrebande… Il est rentré triomphalement au pays au volant d’une Mercédès.

Temple grec de Mithra à Garni

Temple grec de Mithra à Garni

Au programme des visites touristiques en Arménie, un véritable temple grec de style ionique à Garni, avec vue sur le mont Ararat quand il fait beau, construit par les Macédoniens d’Alexandre. Image déroutante : on s’y croirait (en Grèce), sauf que le temple est construit sur un sanctuaire anciennement dédié à la vigne et au vin. Les vins arméniens tentent la concurrence avec les vins géorgiens, avec leurs cépages originaux. Le château Arni dans le vignoble proche d’Erevan vient de se doter comme beaucoup d’autres d’un sommelier œnologue français prénommé Didier, qui devrait faire la prospérité de la maison (et la joie de l’hôtesse arménienne qui l’a invité).

Il paraît que dans les montagnes arméniennes, (et pas que dans les montagnes) les gens s’ennuient un peu pendant les longues soirées froides d’hiver. Ils ont développé un artisanat de fabrication de vodka locale (aussi appelée chacha en Géorgie), en distillant dans leur arrière-cour tous les fruits collectés pendant la saison chaude, prunes, pommes, poires, coings, grenades( ?) et baies diverses. Il semble que ça réchauffe plus rapidement que le vin, et c’est moins cher…

A proximité d’un ancien caravansérail situé à 2300 mètres d’altitude, un vendeur de souvenirs parlant français propose des litres de vodka "made at home" pour résister au froid.

A proximité d’un ancien caravansérail situé à 2300 mètres d’altitude, un vendeur de souvenirs parlant français propose des litres de vodka "made at home" pour résister au froid.

En Arménie le pain national s’appelle "Lavache", et il est cuit à l’intérieur du four tandoori comme au Pakistan.

En Arménie le pain national s’appelle "Lavache", et il est cuit à l’intérieur du four tandoori comme au Pakistan.

Mais Dieu veille, et il voit partout. On trouve à Noravank la seule représentation existante de ce personnage craint et admiré, en bas relief sur le fronton de l’église… Ils ont osé !...

Image unique de Dieu, bas relief de l’Eglise de Noravank, Arménie.

Image unique de Dieu, bas relief de l’Eglise de Noravank, Arménie.

Mais dans ce pays berceau d’un christianisme primitif tout miracle est possible et, en le visitant, vous pourrez peut-être y retrouver la santé !

Pub pour le « Tourisme Médical » en Arménie,  : si vous n’y allez pas pour jouir du paysage, allez-y pour vous faire soigner ! (non il ne s’agit pas d’un échantillon de vin blanc géorgien, mais de votre pipi… Il paraît qu’ils son…

Pub pour le « Tourisme Médical » en Arménie,  : si vous n’y allez pas pour jouir du paysage, allez-y pour vous faire soigner ! (non il ne s’agit pas d’un échantillon de vin blanc géorgien, mais de votre pipi… Il paraît qu’ils sont très forts)