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LE TESTAMENT SECRET DE THÉOPHRASTE RENAUDOT

PETITES CHRONIQUES DE CONFÉRENCIERS

LE TESTAMENT SECRET DE THÉOPHRASTE RENAUDOT

Connaissance & Partage

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LE TESTAMENT SECRET DE THÉOPHRASTE RENAUDOT

PRÉSENTATION

            Pour vous sortir un moment du confinement, je me propose de vous présenter ici mon dernier roman paru aux éditions L.C. le 3 janvier dernier, Le Testament secret de Théophraste Renaudot, roman historique pour lequel une conférence est prévue à « Connaissance et Partage » pour l’après confinement, à une date encore non déterminée.

            Qui connaît Théophraste Renaudot (1586-1653) en dehors du prix littéraire qui porte son nom, et parfois de la Gazette ? Ancien étudiant à la faculté de médecine de Montpellier, ce philanthrope a pourtant mis ses compétences et sa vie entière au service de tous. Il a dû se battre avec la plus folle énergie pour les imposer et il est juste de lui rendre hommage.

Son histoire nous fait revivre un moment particulier de l’histoire de la médecine au XVIIe siècle, un moment où la faculté de Montpellier était en rivalité avec celle de Paris. Un épisode heureusement oublié aujourd’hui, mais qui rappelle combien, dans tous les domaines, les novateurs ont eu du mal à éclairer les hommes. C’était l’époque de Galilée…

            Automne 1652, Théophraste Renaudot est mourant. Il prend ici la parole pour léguer son « testament spirituel » à son fils Eusèbe et à un jeune médecin venu le consulter sur le métier qu’il va exercer et lui raconte sa vie et ses combats.

            À partir d’extraits du roman, entre autres, je choisis de vous présenter ici deux aspects de son œuvre, en insistant sur sa modernité :

            — Sa préoccupation pour les pauvres et son refus de l’enfermement.

            — Sa modernité en matière médicale.

            Si cela vous a intéressés, pour en savoir plus, vous pourrez, à partir du 11 mai, commander le livre soit à la librairie solidaire « Fiers de Lettres », soit à Sauramps médical, soit sur le site des editionslc.fr, soit à la Fnac, etc

Nicole Buresi

Agrégée de lettres, Nicole Buresi a enseigné au Brésil puis à Montpellier, au lycée Jean Mermoz et un an à l’UPV. Aujourd’hui, elle partage sa vie entre cette ville, Paris, enfin  Loudun, dans la Vienne où elle anime depuis cinq ans des ateliers d’écriture à la Médiathèque.

PRÉFACE DU DOCTEUR BERNARD AZÉMA

Tout psychiatre de ma génération a fait son miel des écrits de Michel Foucault, en particulier l’Histoire de la folie à l’âge classique, étape clé dans la tentative de transformer le statut des malades mentaux et de les affranchir des espaces d’exclusion, hospices et autres hôpitaux généraux qui avaient pris le relais des lieux de charité issus du moyen-âge chrétien. À l’époque de Théophraste Renaudot, ils visaient à exercer un contrôle social, à contenir et à entasser pêle-mêle tous les exclus, pauvres, infirmes, malades, « fous », femmes de « mauvaise vie » ou orphelins errants… En son temps, lui aussi voulait les libérer et le hasard fait que Foucault est né à Poitiers, non loin de Loudun, ville natale de ce « Médecin des pauvres » qui affronta courageusement les tenants d’une médecine dogmatique.

Avec ses Consultations Charitables, il inventa le dispensaire, il créa le premier Bureau d’adresse, véritable bureau de placement accueillant offres et demandes d’emploi, Pôle Emploi avant la lettre. Il le doubla du premier mont de piété, s’inscrivit dans une démarche hygiéniste et de santé publique en cherchant à débarrasser de leurs déchets les villes insalubres. Il incarna une véritable approche intégrée médico-sociale de la santé publique pour réduire la misère humaine. Il fut aussi l’inventeur du premier hebdomadaire, la fameuse Gazette… Ouvert aux nouvelles idées, il institua des Conférences sur tous les sujets débattus en son temps.

À travers ce roman, c’est le portrait d’une époque de notre histoire qui se dessine, une époque où s’ébauchèrent les idées des Lumières et la quête d’une science ouverte au dialogue des connaissances, aux « frottements des cervelles » chers à Montaigne, une science incarnée dans le vivant. Bien des actions de Théophraste témoignent de la modernité de ce grand humaniste. Le roman que Nicole Buresi lui consacre vient très justement saluer sa modernité et sa polyvalence et réparer une injustice et un trou mémoriel. Elle nous fait revivre de l’intérieur avec une très belle plume, de manière documentée et vivante, les derniers moments de cet homme qui se raconte dans un testament sans complaisance, en bon protestant qu’il fut tout d’abord. Elle nous fait revivre ses souffrances et ses débats intimes, son attachement sans faille aux réprouvés et aux exclus.

Un livre salutaire et nécessaire sur un « honnête homme » du 17ème siècle, Théophraste Renaudot, illustre méconnu, pionnier, véritable « inventeur social ».

Docteur Bernard Azéma,

Président de l’association Les Compagnons de Maguelone

Ie partie : LES PAUVRES

            Sa constante préoccupation pour les pauvres trouve son origine dans une époque où les guerres, les famines et les épidémies, et les mutations économiques favorisent la misère. Il va devenir « Commissaire Général des Pauvres du Royaume » et s’appuyer sur Richelieu et Louis XIII pour ouvrir ses « bureaux d’adresse », l’ancêtre de notre Pôle Emploi.

            Les pauvres étaient soumis à la plus extrême précarité, malgré les organisations caritatives, hôpitaux, entre autres, œuvres de Vincent de Paul, par exemple. Mais la faillite des Aumônes générales, premières institutions de secours mêlant religieux et laïcs exigeait d’autres initiatives. Celles de mercantilistes comme Laffemas combinaient enfermement et travail forcé.

            La modernité de Renaudot est de vouloir les faire travailler dignement et de ne surtout pas les enfermer. Pour lui il y va de la salubrité et de la gloire du royaume, autant que d’une entreprise humanitaire. Ni mendicité ni contrainte. Un travail utile et constructif pour l’individu et la société. Voici ce qu’il écrit au roi :

            « Commandez à ces fainéants qu’ils travaillent, à ces paralytiques qu’ils cheminent et vous verrez les merveilles que Sa Majesté sait faire. »

            Dans le journal fictif que je lui fais tenir, il se justifie d’avoir dû flatter les puissants du royaume pour obtenir leur aide :

            « … il fallait agir d’urgence car la situation des pauvres était devenue intolérable et      dangereuse. Il fallait ouvrir ce Bureau d’Adresse et de Rencontre destiné à les tirer de leur condition désastreuse et j’avais besoin de son appui. Sur qui d’autre aurais-je pu compter pour m’aider à réaliser mon grand œuvre ? Devais-je y renoncer ?

            Loin de préconiser l’enfermement ou la contrainte, Renaudot propose donc de leur donner un travail et croit à sa valeur « rédemptrice ». Parce qu’il croit en l’homme, pourvu qu’on l’éduque et lui donne un travail digne et une place dans la société, j’en ai fait un précurseur des Lumières. Il va mettre en place tout un système qui permet de les faire travailler, de les soigner (Les Consultations charitables, premiers dispensaires), de leur donner de quoi entreprendre : le Mont-de-piété (sur le modèle italien) entre autres… Cependant, il ne méconnaît pas les difficultés de son entreprise.

EXTRAIT DU CHAPITRE XIX

[à propos des mendiants] … à mon sens, c’est une erreur que de traiter de la même manière les imposteurs et les démunis, les valides et les invalides. Les pauvres valides sont la plus dangereuse peste des États, car Dieu dit que l’Homme mangera son pain à la sueur de son front et eux dévorent le pain d’autrui sans rien faire.

            Était-ce là traitement humain et raisonnable ? Il aurait pu l’être si l’on avait créé partout dans le pays des lieux où un travail les attendait. Au lieu de les voir se masser à Paris, on aurait pu les occuper dans leur village ou dans leur ville à quelque tâche utile à tous, comme d’enlever les ordures qui s’amoncellent dans les rues, ou à quelque autre travail qui ne les rebutât pas. C’est ce que l’on aurait dû mettre en œuvre car les pauvres ne sont pas toujours indociles et incapables de toute discipline, comme on le pense trop souvent.

            L’on tenta bien de les employer à certains ouvrages car l’oisiveté est une sépulture, reconnaissait ce Mémoire[i]. Comme l’on trouvait plus de maîtres cherchant des compagnons que d’apprentis cherchant des maîtres, on pensa que la chose ne serait pas trop ardue. Mais elle le fut : comment contraindre à l’effort qui ne s’y est jamais exercé ?

Quand une habitude est prise, elle devient une seconde nature. L’on me conta qu’un artisan ayant pris un apprenti et l’ayant gardé six semaines, le renvoya au bout de ce temps car le garçon ne voulait pas travailler. Quand on lui en demanda la raison, l’effronté répondit qu’il avait passé trois ans à l’hôpital sans rien faire, et que le travail lui était désormais impossible. Il fut châtié comme il se doit, mais cette aventure nous éclaire tout de même sur les conséquences de l’oisiveté que l’on dit à bon escient mère de tous les vices.

Aussi ne s’y était-on pas pris de la bonne manière, si l’on se réfère au Statut pour les pauvres enfermés. Tenez et lisez. Ils étaient tenus de se lever, depuis le 1er octobre jusqu’au 1er mars à six heures du matin, et depuis ledit 1er mars jusques au 1er octobre à cinq heures pour commencer la besogne demi-heure après être levés. Ils devaient travailler sans discontinuer jusqu’à sept heures du soir, plus tôt ou plus tard, s’il était ordonné par les maîtres et gouverneurs, selon la nécessité des ouvrages auxquels les dits pauvres étaient employés.

            Or les tâches étaient rudes et nullement choisies par ceux qui devaient les accomplir. Les hommes étaient contraints de moudre de la farine aux moulins, brasser de la bière, scier des ais et battre du ciment et autres ouvrages pénibles. Ils ne pouvaient pas être affectés à d’autres métiers. Les femmes et filles et petits enfants dès huit ans obligées de filer, de faire des bas d’étamine, des boutons et d’autres ouvrages avec les dés, le pouce, l’aiguille et le fil. Certes, ces travaux ne marchaient pas sur les brisées des corporations, ce qui évitait certains troubles, mais étaient-ils satisfaisants pour ceux qui les accomplissaient ?

En outre, si leur production n’était pas jugée suffisante, leur pitance était diminuée de moitié la première fois et la seconde, ils étaient chassés honteusement de la maison, châtiés selon la rigueur des arrêts et pour cela conduits par les sergents des pauvres aux prisons du Grand ou du petit Châtelet.

Il faut plus de douceur pour aider les autres, pour les guérir et pour guérir aussi la société.

Je voulais devenir médecin pour soigner les pauvres aussi bien que les riches, faire mon devoir d’homme et de chrétien. À l’heure de ma mort, je voulais pouvoir répondre, comme le fit Ambroise Paré à Charles IX, qu’il ne pourrait mieux soigner les rois que les pauvres parce qu’il soignait les pauvres comme des rois. Je voulais les soustraire à leur condition misérable, parce qu’elle engendre des maux du corps et de l’âme qui sont également contagieux. Je voulais leur apprendre le bien et leur désapprendre le mal avant qu’ils soient incapables de rien faire d’utile et en les faisant travailler selon leur portée, avec la douceur et l’humanité requises. Ce faisant, c’est le royaume qui en tirerait profit, car les hommes, une fois éduqués, deviennent utiles au lieu de nuire au pays. Je me permis de le rappeler à Sa Majesté, plus tard, dans ma Requête de 1626.

Tous ces fainéants et mendiants, quelque vicieux qu’ils soient et comme autant de prodiges d’un État, ne doivent pas seulement être garantis de l’opprobre et du mépris auquel notre négligence les abandonne et prostitue, mais… nous en pouvons et devons faire autant d’instruments pour la conservation et ampliation de ce royaume.

[i] Mémoire concernant les pauvres qu'on appelle enfermez, 1612, in Archives curieuses de la France.

Nicole Buresi